Avec Franchir La nuit, le chorégraphe français Rachid Ouramdane livre une pièce en forme de plongée dans un sujet sensible. Celui de la migration des enfants. Un projet inspiré par l’effroi ressenti face à l’image d’Aylan Kurdi — enfant syrien de trois ans, retrouvé noyé sur une plage turque, le 2 septembre 2015. Dans Franchir la nuit, Rachid Ouramdane questionne, par la danse, la place laissée à l’expression de cette enfance. Co-directeur, en compagnie du chorégraphe Yoann Bourgeois, du CCN2 (Centre Chorégraphique National de Grenoble), Rachid Ouramdane anime également des ateliers. Notamment dans des foyers d’accueil grenoblois, avec des enfants en situation de migration. Ateliers en forme de temps d’expression, réservant la possibilité de raconter ces vécus. Avec des gestes, des mots, des images. Autrement, donc, que par les canaux habituels — presse, associations. Tout en prenant le paysage comme point d’entrée, de sortie, de passage.
Franchir la nuit de Rachid Ouramdane : la danse pour retranscrire l’enfance et l’exil
Retranscription libre de ces multiples témoignages, sur la scène de Franchir la nuit se déploie un parterre d’eau, brassé par les vagues. Sorte de paysage aussi étincelant qu’incertain. Avec, toujours, cette récurrence de chercher sa place dans un lieu, dans des mouvements de foule. Côté musique, durant les ateliers ce sont des musiques pop — David Bowie, Bob Dylan — qui auront rythmé la gestation de Franchir la nuit. Soit une texture poétique de portée globalisée. Enfants migrants primo-arrivants, MNA (mineurs non accompagnés), mineurs isolés… Il y a différents termes techniques pour désigner les jeunes en situation d’exil. Et en marge des réponses administratives, plus ou moins humaines, plus ou moins adéquates, Franchir la nuit restitue une forme de singularité collective. Pour un spectacle jonglant entre dynamiques de foule (Rachid Ouramdane utilise l’image des groupes d’étourneaux, avec leurs vols en nuées) et moments où les individus composent leur place personnelle.
L’art pour transcrire le vécu des enfants migrants : paysages mouvants et incertains
Interprété par des enfants et des artistes professionnels, Franchir la nuit réunit notamment cinq interprètes avec lesquels Rachid Ouramdane a l’habitude de travailler. À savoir Annie Hanauer, Deborah Lennie-Bisson, Ruben Sanchez, Leandro Villavicencio, Aure Wachter. Le projet initial consistait surtout à travailler avec des enfants en situation de migration. Mais la réalité, y compris administrative, ne peut qu’avoir un impact sur la forme de la pièce. Le travail des mineurs, en situation de migration, étant lui aussi encadré de manière particulière. Avec sa foule d’enfants, Franchir la nuit existe autant comme projet chorégraphique symbolique, que comme expérience réelle, dans un espace-temps donné. Dans ses autres dimensions concrètes, c’est l’artiste vidéaste Mehdi Meddaci qui réalise l’installation vidéo projetée au sol, Frapper sur l’eau. Tandis que Deborah Lennie-Bisson lui donne sa trame musicale. Un spectacle à découvrir en avant-première à Bonlieu, puis en première à la Biennale de la Danse 2018.
Itinéraire du spectacle (non exhaustif) :
– Chaillot – Théâtre National de la Danse (Paris), du 15 au 21 décembre 2018.
– Biennale de la Danse 2018, Opéra de Lyon, les 20 et 21 septembre 2018.
– Bonlieu Scène nationale (Annecy), le 14 septembre 2018.