Renate, Alex, Léopold et Till Rabus
Rabus et fils
Il y a quelques années, Aleksandra Mir avait intitulé une exposition au Kunsthaus de Zurich: «Switzerland Another Island», et mettait ainsi en avant le caractère insulaire de la Confédération helvétique, qui comme chacun sait n’a d’un point de vue géographique, rien d’une île…
C’est en découvrant le travail et l’univers de la famille Rabus, Alex le père, Renate la mère, Till et Léopold les deux fils, que cette définition paradoxale de la Suisse prend tout son sens. En effet, outre que dans la famille Rabus, on est artiste de père en fils, mais aussi de mère en fille depuis plusieurs générations, ce qui frappe dans les œuvres de ces quatre-là , c’est l’étrangeté, la conviction joyeuse et le goût du bel ouvrage qu’ils partagent… Ce qui intrigue encore c’est une forme de distance propre à chacun d’entre eux envers ce que l’on pourrait décrire comme les formes contemporaines d’un académisme pompier que l’on sent parfois pointer dans bon nombre de pratiques d’artistes.
Si le politiquement correct n’a pas sa place chez les Rabus, cela ne saurait être, au détriment d’une approche concernée et sensible du monde: que ce soit dans le travail sophistiqué de broderie de Renate, Repas de famille ou dans les Winterreise réalisés à partir des chants de Schubert, ou encore dans Les Poupées disparues, évocation des poupées de chiffon de son enfance. Une pratique de la broderie qui a à voir avec une forme de méditation, un travail d’hiver, l’été Renate se consacrant plus au jardinage…
Dans les superpositions de sens et de perceptions qu’offrent les œuvres d’Alex, L’Arbre de ma mère, Le Joueur de Flûte, ou Vieille eau de vie, de grands dessins intuitifs réalisés à la mine de plomb sur des lavis d’acrylique à partir de photographies et où foisonnent une multitude de personnages et d’éléments, comme la démonstration qu’il existe une vie cachée sous la surface des choses. Ou dans les sculptures Chien sur un balcon ou Scène de guerre avec chien qui interrogent le rapport de l’homme à la nature, à la guerre ou à l’architecture moderniste.
Dans le regard porté sur le quotidien, l’ennui comme source d’inspiration (Surrealist Camping Lunch 1 & 2), la maîtrise technique dont fait preuve Till, empruntant allègrement aux compositions surréalistes de Salvator Dali, mais aussi à la tradition américaine photo-réaliste d’un Robert Bechtle, (Automate à fleurs, une peinture représentant un distributeur de fleurs chez un fleuriste tout près du cimetière de Neuchâtel), dont bien peu d’artistes aujourd’hui osent revendiquer un tel héritage.
Enfin, le travail de Léopold, étranges compositions souvent champêtres, inscrites dans une sorte de temps figé où sur la même peinture les différents temps de la scène représentée sont comme sédimentés, les corps déformés (31 juillet). Ou encore, Feu Pompom hommage posthume au hamster de Léopold enfant, combinant cinquante portraits de ses propres doigts associés à des ouvrages en cheveux, étonnante association du souvenir et du présent. Des peintures ou des installations qui peuvent apparaîtrent macabres, teintées de nostalgie mais, qui au fond sont plutôt l’évocation d’une réalité aperçue et distordue par le souvenir…
Bienvenue dans le monde des Rabus.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Sarah Ihler-Meyer sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
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