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Quelqu’un veille sur toi

On a souvent qualifié l’œuvre de Maja Bajevic de politique en ceci qu’elle décrit des situations que la mémoire collective a préalablement balisée. La guerre, la tentation de l’intégrisme religieux, la violence faite aux femmes, le rapport à l’autorité et aux formes de pouvoir, l’ensemble constitue entre autres le corpus de son discours. Plus qu’un engagement théorique, c’est un témoignage qu’apporte cette artiste d’origine bosniaque. Un témoignage bien souvent personnel qui peut prendre les traits de la fiction mais qui d’une manière ou d’une autre traverse la réalité de l’histoire contemporaine.

Quelqu’un veille sur toi se situe dans cette perspective. La réalité et la fiction construisent des entrelacs que la narration ne tente pas de dissimuler. L’illusion est même le moteur de la plupart des photographies et vidéos de l’artiste. Illusion de la fortune facile dans la mécanique du jeu de hasard (The Inter-Machine); illusion d’un événement « en train de se faire » entretenu par une stridente bande sonore de film (Space and Time); illusion perdue lorsque adulte, nous révisons nos rêves d’enfant (L’enfance du magicien)… et d’autres encore. Le monde produit ses artifices et la puissance du désir fait que nous les suivons.

Alors serait-ce le monde, ce personnage bienveillant qui veille sur nous ? Probablement. Le monde tel que nous l’avons fabriqué. Protecteur et brutal. Aimant et hostile à la fois. Maja Bajevic s’en amuse dans l’Inter-Machine : un jeu de loterie dont les boules actionnées par une soufflerie ne sortent jamais. Mieux que cela, elles sont toutes enveloppées dans des pages, certaines extraites du Capital de Marx et d’autres déchirées dans des magazines publicitaires empruntant la contraction « Inter ». A côté avec Spook Words, elle s’en inquiète : devant une caméra, une septuagénaire énumère calmement les mots ou les contractions de mots provenant de messages Internet qui ont valu à leurs auteurs une surveillance policière.

Malgré quelques parades un peu trop démonstratives (dans That Would Be All, Thank you ou L’enfance d’un magicien), Maja Bajevic touche sa cible. Convoquer l’intime pour interroger notre rapport au monde, manier les paradoxes de la surveillance et parler de la dislocation des libertés individuelles. De quoi nous maintenir éveillé, ou pour le moins en alerte devant ce qui s’accomplit sous nos yeux.

Maja Bajevic
— Spook Words, 2008. Video installation, color, sound. 15’36’’.
— Space and Time, 2008. Double video-projection, color, sound. 6’06’’ & 3’25’’.
— That Would be All, Thank You, 2008. 4-Screen video installation, color, sound. 5’28’’.
— The Inter Machine, 2008. Lottery machine, polystyrene and paper. H 150cm/ diam. 80 cm.
— L’Enfance du magicien, 2008. Photo and ink on photo (diptych). 2 x (30 x 40 cm).
— Untitled, 2008. Installation of 15 photos. 15 x (38,5 x 51 cm).
— Untitled, 2008. Installation of 5 photos. 5 x (30 x 40 cm).

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