Depuis sa création en 1987, la compagnie Brozzoni dirigée par Claude Brozzoni, cherche à éclairer notre monde par la mise en scène de textes forts. Quand m’embrasseras-tu? reprend le titre d’un poème de Mahmoud Darwich, dont l’œuvre sert de trame au spectacle. Bien au-delà d’un récital, Brozzoni chorégraphie en quelque sorte une fête des sens dans laquelle les langues française et palestinienne résonnent dans les mots et les chants d’Abdelwaheb Sefsaf, mais aussi les instruments de Gorges Baux et Claude Gomez, et les propositions graphiques exécutées en direct par Thierry Xavier avec une gestuelle étudiée.
Il s’agit en fait d’un concert méditatif et engagé, mis graphiquement en écho sur un fond de scène qui rappelle le mur de séparation couvert de peintures entaillant la terre de Palestine. Car Quand m’embrasseras-tu? parle de cette terre où se fait la guerre et s’espère la paix, mais aussi de la poésie et de sa puissance de vie — tout cela en évoquant simplement un homme: Mahmoud Darwich.
Le mausolée récemment élevé en hommage à Mahmoud Darwich à Ramallah, adossé au plus grand théâtre de Palestine, se dresse fier et silencieux au-dessus du mur. Au loin on aperçoit Jérusalem qui porte le nom de cette paix devenue l’objet de toutes les convoitises et le motif des violences les plus folles.
Mahmoud Darwich a quitté son enfance en fuyant son pays une nuit d’attaque pour aboutir avec sa famille au Liban, un pays voisin et étranger.
Resté fidèle à l’esprit de sa patrie, qu’il a fini des années plus tard par retrouver, il a préféré la poésie des chants d’amour et d’intimité à la violence.
Tout en magnifiant la beauté des relations humaines, de la nature ou des sentiments, il a dit sans haine la souffrance, la violence de l’occupation et des incompréhensions réciproques. Ainsi devenu la voix d’un peuple, ses mots ont dépassé les frontières et les langues comme ceux de tous les grands poètes.
De l’œuvre monumentale de Mahmoud Darwich (17 recueils traduits en français), Brozzoni a tiré des textes chantant moins l’amour que le témoignage, la mémoire, la lutte pacifique — parfois pleine d’humour que les Palestinien appellent le Sumoud — pour rappeler «l’imprescriptible droit à la vie» d’un peuple en souffrance.
Lutte pour la vie par les moyens de l’art, la poésie de Mahmoud Darwich est née un peu comme ces chants montant des bas-fonds, chants des opprimés que le poète magnifie pour leur donner une dimension universelle. «Que la paix soit sur nous», prie Darwich, dans l’espérance d’une possible réconciliation, celle de deux peuples et d’une terre, et celle de toute l’humanité.