Ernesto Sartori
Quand deux deviennent un
Ernesto Sartori atteint les signes d’une certaine maturité: la capacité à parler de sa propre voix, sans cesse renouvelée (potentiellement créatrice d’une impression de dissonance, de chaos, de perturbation de l’ordre établi), et l’élaboration d’une logique interne.
Cette logique, épine dorsale de l’œuvre, l’artiste en garde souvent les clefs. Il n’est pas nécessaire de l’expliciter (comme il n’est pas nécessaire de comprendre exactement quels calculs mathématiques sous-tendent ses assemblages de formes géométriques), c’est pourtant elle qui rend le travail accessible et lisible, même sous la forme d’objets isolés.
Je me suis souvent demandé comment se vendent la plupart des œuvres qui se trouvent sur le marché de l’art, ces fétiches, ces objets partiels, qui peinent à représenter une démarche artistique complexe et singulière. L’erreur est justement d’imaginer que ces objets seraient à même de représenter quoique ce soit. Au contraire, pour fonctionner en tant qu’œuvres, ils doivent s’inscrire dans une continuité avec la démarche de l’artiste et pouvoir procéder du même chaos, de la même révolte contre les normes que l’ensemble du travail. Les œuvres d’art que j’apprécie ne fonctionnent pas tant sur le mode de la synecdoque (partie représentant le tout) que sur la possibilité de contenir en elles tout le potentiel révolutionnaire d’un travail artistique.
J’estime la capacité d’Ernesto Sartori à s’exprimer à toutes les échelles: de l’environnement totalisant réalisé lors de son exposition «La fureur de l’atome» en 2010, aux maquettes qu’il montre aujourd’hui. Que l’on aime avoir un rapport concret aux objets, à leur matérialité et leurs couleurs délicates, ou que l’on préfère y voir la possibilité d’un projet monumental, il me semble que le travail d’Ernesto Sartori peut être apprécié pour ses différents sens de lecture, sans que ceux-ci ne se contredisent.
Avec ce travail, on peut admirer de la même façon, et dans une harmonie qui lui est propre, les figurines de dinosaures et la discontinuité du langage architectural de Claude Parent, les récits absurdes de Kurt Vonnegut, et la poésie des chansons des Spice Girls.