Hester Koper. Françoise Theis décrit «révéler ce qui a été fait» comme quelque chose de caractéristique de votre travail. Pourquoi est cet aspect important?
Beat Zoderer. Mettre quelque chose à la pleine lumière est une forme d’honnêteté. Sans rien cacher, montrant tout. Mon centre d’intérêt ne concerne pas la façon de faire quelque chose, mais plutôt la signification essentielle m’intéresse. Ou, en disant autrement, ce qui est caché derrière les systèmes et les concepts que je dévoile. La proposition «The simpler or the more transparentsomething appears, the more is hidden behind» peut être aussi correcte que son inversion. Le plus complexe est l’apparence d’une chose de l’extérieure, la plus simple elle est de l’origine. Quant on révèle quelque chose ça ne signifie pas que par la révélation tout a été dit. Souvent, surtout avec les œuvres qui sont difficiles à placer ou à comprendre, une étincelle de poésie va nous capturer de façon inattendue.
Hester Koper. Je suis tombé sur votre présentation où vous dites que vous étiez arrivés dans l’histoire de l’art. Ceci est une déclaration plutôt présomptueuse. Qu’est-ce qui vous fait penser comme ça?
Beat Zoderer. «Arrivés en histoire de l’art», en disant cela je ne faisait pas référence à la reconnaissance publique de mon travail ou de son admission dans le canon de l’histoire de l’art, mais seulement à moi-même personnellement. Après 30 ans mon premier travail a été moulé en bronze! Ce fut un très grand moment. Le bronze est un matériau immortel, quasi sacré de l’histoire de l’art. Je dois souvent faire face à des questions sur la durabilité de la conservation de mes œuvres. Néanmoins, la durabilité des matériaux est une préoccupation secondaire. La matière est un moyen pour atteindre un but et elle est interchangeable. Le facteur le plus important pour moi est de savoir si mon travail possède le contenu, dans le sens formel et conceptuel, et s’il est en mesure de témoigner quelque chose à spectateur dans une vingtaine d’années.
Hester Koper. Un de mes professeurs aimait à s’engager dans une discussion sur les couleurs préférées. A son avis, cette notion n’existe pas. Cependant, il y a de couleurs que les uns ont tendance à travailler le plus souvent avec et c’est une tendance répandue dans notre environnement. Dans votre travail, il est difficile de discerner une telle préférence. Y a t-il une couleur unique pour vous?
Beat Zoderer. J’expérimentais et faisais des recherches sur les couleurs depuis les décennies. Au début j’avais commencé en laissant les surfaces de divers matériaux intactes comme la peau et donc leur couleur comme il était. Ainsi j’avais revitalisé les questions éternelles de la peinture. Plus tard en utilisant des objets colorés et usuels j’ai généré des images nouvelles. Plus loin, je travaillais beaucoup avec les planches d’échantillons RAL et NCS, créant ainsi le concept d’un «monochrome multicolore». La conclusion la plus importante que j’ai tiré de ces processus: la couleur ne devient vraiment appréciable que quand il est appliqué à quelque chose. Donc la nature de la surface sur laquelle elle est appliquée est extrêmement importante. Il reste une question, quand une couleur suscite une autre? Je peux facilement répondre à la question posée par Barnett Newman en 1966 «Who’s afraid of red, yellow an blue?» Je ne crains pas de couleurs, qu’elles soient fortes ou douces, belles ou répugnantes. Seulement avec le bleu, la couleur si souvent décrite et exaltée, avec le bleu, j’ai un problème!
Interview de Beat Zoderer par Hester Koper pour Von Bartha, 2014