Une foule occupe le plateau lorsque débute In visione mais bientôt les musiciens vont reculer et reprendre leur place, derrière le pupitre, derrière le chef d’orchestre, derrière le danseur soliste. L’un ou l’autre violoniste, un clarinettiste peut-être, un joueur de saxophone… quelques uns des musiciens s’égareront encore à l’avant de la scène, jeunes éphèbes au visage d’ange au milieu desquels l’homme — Emio Greco — met en place son étrange rituel.
Il se contorsionne, se déshabille, se roule dans une jetée de fourrure. Il déplace des sphères, s’allonge au sol, gravit quelques marches. La nécessité du mouvement n’apparaît pas. L’homme réfléchi par un sol noir brillant est d’une élégance réelle, touché par une fragilité poétique, un peu chaplinesque lorsqu’il joue au chef d’orchestre et laisse paraître le ridicule de dominer la scène. Il fait malheureusement preuve d’une sensualité outrée, un peu fausse, un peu attendue.
Le plateau demeure bien vide malgré une trentaine de corps humains en présence. L’espace est principalement empli par des objets et des sons enregistrés. Voix d’enfants, pleurs, rires cristallins, bruits de bottes, chant du coq, le montage est léger et pas loin d’être très réussi. Du côté des objets, une forme unique est reproduite à l’envi : des sphères, des boules de flipper géantes ou plus raisonnables, une balle de ping-pong, jaune, un nez de clown, un immense ballon gonflable et translucide.
A cette forme reprise en tout point de la scène, il faut adjoindre la danse d’Emio Greco. Seul pendant une heure quinze, il tourne. Les bras, le bassin, le buste. Les mouvements s’enchaînent avec une grande fluidité, sans donner à ressentir douleur ou force. La musique de Bach accompagne l’homme dans un rituel de purification et peut-être même, par la grâce de quelques grimaces et d’une bousculade clownesque,  de prise de distance avec l’orgueil corporel
Qu’imaginer ? La punition tient-elle dans la bille sur laquelle nous vivons, celle qui glisse sous nos pieds et nous fait chuter, celle qui tient en suspend au-dessus de la scène ? Le purgatoire consiste-t-il à tourner en rond, répétant seul et ad nauseam les mouvements appris ?
Popopera, la seconde partie, est une pièce pour 7 danseurs, 7 jours, 7 péchés capitaux. Jour de première au Théâtre de la Ville, mardi, placé sous le signe de l’avarice. Et pourtant les danseurs ne seront pas avares de leur corps… Femmes inquiétantes, très jeunes et jolis garçons, techniciens virtuoses, ils enchaîneront pas après pas sans laisser transparaître l’effort ou la fatigue. Dommage. Peut-être que nous aurions voulu qu’apparaisse un peu de souffrance dans ce purgatoire que n’habite plus la musique de Bach mais, plus pop que rock, une compilation ordonnée par Michael Gordon.
Peut-on imaginer la mise en scène d’une distance vis à vis des corps, une ironie de la danse, un clin d’oeil au néo-classicisme, à la transe collective du ballet rituel antique ? Espérons-le afin que la guitare électrique et la boule de flipper ne soient pas les seuls vestiges de ce (purgatorio).
(purgatorio) In vision
— Chorégraphie, concept lumière et son : E. Greco et P. C. Scholten
— Musique : F. Krawczyk d’après La Passion selon ST Matthieu de J.S. Bach
— Scénographie : M. Warning
— Lumières : H. Danner
— Projections : J. Rekveld
— Costumes : C. Portier
— Développement du système son : W-J. Pielage
— Solo : E. Greco
(purgatorio) Popopera
— Chorégraphie, concept lumières et son : E. Greco et P.C. Scholten
— Musique : M. Gordon
— Scénographie : M. Warning
— Lumières : H. Danner
— Costumes : C. Portier
— Développement du système son : W-J. Pielage
— Interprété et joué par : Ty Boomershine, Victor Callens, Vincent Colomes, Emio Greco, Nicola Monaco, Marie Sinnaeve, Suzan Tunca et Michaela Riener, chant.