L’exposition « Daughters » au Château Malromé, demeure familiale d’Henri de Toulouse-Lautrec située à Saint-André-du-Bois, en Sud Gironde, présente, dans une scénographie inédite de Benjamin Gabrié, une vingtaine de sculptures de Prune Nourry qui font écho à l’histoire personnelle du peintre du XIXe siècle.
Les sculptures de Prune Nourry font écho à la vie d’Henri de Toulouse-Lautrec
Henri de Toulouse-Lautrec souffrait en effet d’une maladie génétique rare qui affecte les os, la pycnodysostose. Or selon les techniques et les choix actuels, non dénués de tendances eugénistes, l’artiste, s’il avait été conçu à notre époque, ne serait sans doute jamais né et avec lui, aucun de ses chefs-d’œuvre. Les sculptures de la jeune plasticienne Prune Nourry sont inspirées par le manque de femmes qui devient de plus en plus problématique dans la population asiatique, en particulier en Chine et en Inde, où de nouvelles technologies comme l’échographie sont justement utilisées dans un but de sélection.
Placée au centre de la cour du château, l’œuvre intitulée La Destruction n’est pas une fin en soi, une monumentale tête de Bouddha en plâtre partiellement recouverte de bâtons d’encens, ouvre l’exposition. Une oreille y fait office de porte menant à un espace où de multiples miroirs à effet rapetissant rendent hommage au grand artiste de très petite taille qu’était Toulouse-Lautrec. Cette tête de Bouddha qui surmontait, dans une exposition au musée Guimet, un corps démembré, renvoie notamment aux bouddhas détruits de Bâmiyân détruits par les talibans et rappelle avec optimisme le caractère immortel de la culture : malgré la destruction de la matière, l’esprit et l’art subsistent.
Prune Nourry alerte sur le déséquilibre des sexes en Asie
Dans la galerie du Château Malromé, un chemin traverse un amas de blocs de craie qui renvoie aux dessins de Toulouse-Lautrec et relie les œuvres de Prune Nourry. Celles de la série Holy Daughters constituèrent le premier volet du travail mené durant plusieurs années en Asie par l’artiste autour de la question du déséquilibre des sexes et du détournement des nouvelles technologies, mais aussi sur l’hybridité. Elles fusionnent la figure de la vache, considérée en Inde comme un animal sacré et un symbole de fertilité, et celle de la fille, également vecteur de fertilité mais non désirée.
Plus loin, les moules de la série Process dévoilent un projet au long cours visant à explorer le processus de fabrication de la sculpture. Des reliques d’œuvres déjà existantes ou en phase de modification sont figées dans le temps par Prune Nourry tels des insectes piégés dans l’ambre. En présentant ce qui est d’ordinaire caché, le moule, et le valorisant par la transformation en bronze, l’artiste souligne son caractère fondamental, tout en rendant hommage à l’artisanat et aux gestes invisibles qui sous-tendent la sculpture.