PHOTO

PRORA Project

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

Panorama photographique d’un immense et sinistre bâtiment de cinq étages, long de trois kilomètres, construit par les nazis. Loin des toiles circulaires des anciens panoramas, un champ visuel étiré sur des paysages sobres et désenchantés.

« PRORA Project » est composé de dix-neuf photographies (en exemplaires uniques) de six chambres avec deux fenêtres, et de treize avec une seule fenêtre. Cette série, effectuée en 2002, prolonge en quelque sorte les paysages de l’exposition précédente à la galerie, où des grandes images étaient mises en relation avec les sculptures d’Asger Jorn.

Le lieu des prises de vue est singulier : il s’agit d’un immense bâtiment de cinq étages (quatre kilomètres et demi étaient prévus, on en construisit trois), situé sur l’île de Rügen, au nord de l’Allemagne. Il fut créé en 1936 par le régime nazi pour plus de vingt mille vacanciers. La Seconde Guerre mondiale interrompit la réalisation de l’édifice; par la suite, il fut occupé par l’armée est-allemande.
La monotonie effrayante de ce lieu est donc l’objet du panorama photographique que Gabor Ösz invente grâce à la camera obscura. L’artiste utilise les couloirs pour installer et déplacer la chambre photographique, bâtie aux dimensions de cette longue, très longue ligne de circulation, rythmée par les chambres d’habitation.

La vidéo projetée au sous-sol de la galerie permet de voir comment Ôsz travaille, dans la solitude de ce lieu, dans la chaleur de l’été. Il joue de superpositions pour fabriquer une image troublante issue donc de plusieurs pièces vides, éclairées par une ou deux fenêtres. Les ouvertures sommaires marquées par les verticales des ouvrants découvrent un horizon maritime tremblant, incertain, une évocation « liquide » d’un extérieur inaccessible et pourtant proche. Car nous sommes à distance de ces espaces légèrement flottants, mais nous sommes aussi conduits à regarder, placés au seuil d’un songe inquiétant, très calme.
La boîte perspectiviste est mise en abyme par sa fascination même, dans un processus qui pourrait sembler répétitif. Il devient juste obsessionnellement récurrent, tandis que les petites variations du lieu revisité par le geste de l’artiste le transforment et interrogent notre rapport à l’histoire, à la mémoire, au silence.

L’architecture de ce monument sinistre et ensoleillé structure la poétique faussement douce de cet étrange déroulement fragmenté. Loin des toiles circulaires des anciens panoramas du XIXe siècle qui englobaient les spectateurs, ces paysages sobres de Gabor Ösz étirent librement le champ visuel désenchanté du cadre de nos comportements.

Gabor Ösz :
— PRORA Project, 20 Rooms (26.09.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 150,90 x 126,50 cm.
— PRORA Project, 19 Rooms (21.06.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 136,50 x 126,50 cm.
— PRORA Project, 18 Rooms (24.08.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 188,10 x 246,70 cm.
— PRORA Project, 20 Rooms (27.09.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 126,50 x 155,80 cm.
— PRORA Project, 20 Rooms (27.09.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 126,50 x 144,70 cm.
— PRORA Project, 18 Rooms (7.07.2002), 2002. Camera obscura, papier ciba chrome. 141,80 x 240,70 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO