Maroussia Vossen n’est pas, à proprement parler, une isadorienne. Elle n’a pas reçu le legs duncanien, même si elle est passée par l’association Danse et Culture qu’animait Jean Dorcy, un lieu ouvert à la danse moderne où se sont illustrées des disciples de la chorégraphe américaine telles que Madeleine Lytton, formées par Lisa Duncan – la belle Lisa, dont on a pu admirer deux merveilleuses photographies au musée Bourdelle.
Elisabeth Schwartz a, quant à elle, hérité du répertoire isadorien à travers une de ses adeptes new-yorkaises, Julia Levin, qui tenait elle-même sa légitimité de l’isadorable Anna Duncan.
Le style des deux femmes n’a donc a priori rien à voir. La première, éclectique, a une gestuelle fine, délicate mais discontinue, faite de poses et même de pauses, de va-et-vient du regard, de légers pivotements de la tête. D’imperceptibles saccades, un sens de l’analyse du mouvement, un goût pour la pantomime viennent enrichir la singulière gestuelle. La seconde, Elisabeth Schwartz, cherche – et obtient – le mouvement le plus fluide, le plus « naturel », le plus léger qu’on puisse produire sur terre, malgré les lois de la pesanteur.
Vêtues de deux robes d’un rouge éclatant dessinées par une autre isadorienne, Catherine Gallant, les deux danseuses ont descendu, l’une après l’autre, pieds nus, les marches d’un épais béton qui conduisent au sous-sol du musée, où elles ont joué, parfois juré, et se sont mesurées aux œuvres bi et tridimensionnelles réunies par les commissaires de la manifestation.
Sans familiarité aucune mais sans arrogance non plus, sans distance mais sans laisser-aller, les deux femmes se sont croisées, frôlées, séparées, l’une attentive à l’autre. Elles ont fait semblant d’ignorer le public présent et bon enfant, bon esprit. Feint d’ignorer l’autre. Absorbées par leur tâche, concentrées, sérieuses, elles n’ont ni visé ni simulé la transe. De fait, seul le silence les a guidées.