DANSE | SPECTACLE

Programme Pierre Henry, Maurice Béjart, Emmanuelle Huynh

PSmaranda Olcèse-Trifan
@27 Avr 2009

« Maurice et moi, progressivement proches, avons œuvré ensemble pour une musique/danse qui s’imposa dans sa sacralité. » C’est ainsi que Pierre Henry évoque une amitié avec Maurice Béjart étendue sur plus d’un demi siècle.

Le Théâtre de la Cité internationale propose une programmation mêlant de manière intime danse et musique. Pierre Henry interprètera pour la première fois l’ensemble de son œuvre musicale chorégraphiée par Maurice Béjart. Au fil de plusieurs soirées, regroupées en six concerts, le public pourra entendre des œuvres qui, à partir de 1950, ont marqué une relation comprise comme rencontre rythmique, découverte et reconnaissance de pulsations communes. C’est une manière inspirée de rendre hommage au compositeur phare de la musique concrète, attaché à surprendre la musicalité du monde dans des assemblages de sons qui habitent le quotidien, à ce précurseur des musiques électroniques dont le travail séminal garde sa pertinence et sa fraîcheur à une époque où les sons électroniques sont à la portée de tout un chacun. C’est aussi un hommage au chorégraphe, parfois controversé, qui a libéré dans la danse des possibilités inouïes.

Pierre Henry lance ses sons et par leur biais des fragments de l’œuvre de Maurice Béjart se laissent entrevoir. Au détour d’une phrase, d’une montée dans des sonorités aiguës, d’une césure ou d’une accélération, les aficionados de Béjart pourront rappeler à leur mémoire l’image d’un célèbre pas de deux, d’une explosion d’énergie qui ponctue telle ou telle création. Mais cette pièce ne repose pas toute entière sur ce principe de remémoration. Le dispositif fonctionne à merveille, porté par le son coloré, surprenant, alerte, répétitif et lancinant, narratif parfois ou purement abstrait.

La scène est occupée par un corps de ballet constitué d’enceintes de différentes tailles, chacune avec sa personnalité sonore. Il y va d’une représentation visuelle du son — localisation, incarnation — alors qu’une spatialité beaucoup plus subtile se dévoile à l’écoute : le mouvement se passe de support matériel et se niche au cÅ“ur même de la création sonore, devient rythme. Pour Pierre Henry, jouer implique d’effectuer « des gestes émotionnels, saccadés, linéaires, forts, faibles : les gestes même que Béjart a inventé pour la danse…»

Fidèle à l’esprit qui irrigue ces deux univers, celui du compositeur et celui du chorégraphe, la programmation de ces soirées donnera lieu autant à l’exploration d’un véritable monde où « l’archaïque et le mythique côtoient le familier », qu’aux aléas du hasard par lesquels chacune des représentations des Variations pour une porte et un soupir est différente.
Le protocole est radical : une voix off pose le principe du hasard et de l’improvisation : « une pièce sans chorégraphe où il n’y a que des danseurs ». Le tirage au sort est la figure par excellence d’une propension métaphysique qui vient habiter le lieu-commun d’un objet-musique : la porte. Car la pièce a pour matériau central des bruits de portes qui grincent — 16 de ces 26 Variations que Pierre Henry compose en référence à l’œuvre picturale d’Arman. Le goût de la liberté, le mystère de la vie et son parcours aléatoire prennent chair dans une danse faite d’improvisations, ponctuée aussi de contraintes à partir des gestes les plus simples et de réflexes somatiques : respiration, frissons, étirements, balancements. Chaque danseur puise dans son vécu personnel et peut suivre chaque soir, selon le tirage au sort, un autre parcours. C’est dans ce point que se concentre le caractère novateur de cette proposition chorégraphique vouée à des métamorphoses perpétuelles. La transmission y est particulièrement bien assurée par les danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin.

Cette problématique de la transmission se conjugue, d’une manière toute autre, dans la pièce d’Emmanuelle Huynh — transmission d’une énergie sauvage dans un face à face où les visages disparaissent. Futago, deuxième partie du Monster Project, mené parallèlement avec le chorégraphe japonais Kosei Sakamoto, est porté par deux morceaux de Messe pour le temps présent. Le jerk électronique et le rock Too Fortiche de Pierre Henry sont utilisés pour instaurer un rapport spontané, jouissif — tenant du pouvoir de reconnaissance immédiate du tube — dans cette histoire de lutte entre des jumelles lointainement issues de Shining de Stanley Kubrick.

— Pierre Henry, Musiques concrètes pour Maurice Béjart, intégrale.
— Ballet de l’Opéra national du Rhin, Variations pour une porte et un soupir, concept chorégraphique de Maurice Béjart
— Emmanuelle Huynh, Futago

AUTRES EVENEMENTS DANSE