Catherine Gfeller
Processions
Catherine Gfeller a commencé son activité de photographe en abordant le thème du paysage et en voyageant pour trouver ses sujets. Puis, elle s’est intéressée au paysage urbain en réalisant de longues Frises urbaines, compositions horizontales ou verticales, obtenues par montages, collages et superpositions d’images.
La ville, prise dans un sens métaphorique, est devenue une source d’inspiration pour de nombreux travaux qui mêlent différents mediums: photographie, vidéo, son, création radiophonique, écriture (Multi-Compositions, Procession, Visages de ville). Les silhouettes humaines sont traitées en transparence et sont traversées par les motifs de la ville comme pour se fondre dans le chaos urbain.
La vidéo et la photographie sont de plus en plus intimement mêlées et conduisent Catherine Gfeller vers de nouvelles expérimentations où les coordonnées spatiales basculent pour nous emmener ailleurs. Divers protagonistes nous guident pour explorer des espaces extérieurs ou intérieurs, là où les pulsations urbaines continuent d’agir subrepticement. (Les Déshabilleuses, Les Dérangeuses, Les Frayeuses, Bouches de Paris). Le verbe, les phrases, les mots font irruption et se superposent aux images comme une voix off. Ses diverses installations (vidéos, sonores, multi-projections) transportent le spectateur dans de véritables univers romanesques qui mélangent les données autobiographiques et fictionnelles (Pièces Domestiques, Conversations, Sortilèges, Chimères).
L’exposition «Processions» fait s’entrecroiser les Vierges (transportées lors des processions sacrées de la semaine sainte de Séville), la ville, les passants, les danseuses de flamenco et les foules qui défilent quotidiennement dans nos métropoles.
Visages de Vierges, visages de femmes, habits rituels dorés, habits contemporains, costumes de danseuses, défilement lent et recueilli, défilement rapide et aléatoire se rencontrent. Le sacré devient voluptueux, le divin devient sensuel, l’urbain devient charnel.
Les Vierges de Séville font corps avec la ville, se mélangent aux visages des passants, aux voix des habitants et se fondent dans la nuit noire. Le monde contemporain et le monde sacré aux rituels immuables semblent pris dans de troublants jeux de miroir. Leurs caractéristiques s’échangent. Les impressions sensorielles se mélangent et l’on se met à douter: où se situe le sacré, de quel côté est le profane?
En contemplant longtemps ces foules qui défilent, la foule des fidèles, la foule des passants anonymes des grandes villes, l’ivresse des danses, nous sommes frappés par leurs similitudes. Les protagonistes de ces diverses processions accomplissent peut-être les derniers rituels collectifs de notre époque…
En une suite rythmique de cadrages, décadrages, collisions et juxtapositions, de détails intimement intriqués, la photographie acquiert ici un nouveau statut.