A plus de deux mètres du sol, une coulée rouge vif a percé le mur, laissant des débris au sol qui témoignent de la puissance supposée de ce jet. Red is Coming fait irruption de force dans l’exposition, sollicitant l’attention du spectateur par son incongruité et sa taille imposante.
Un seau vert couvert de traces de peinture A problem bigger than yours situé à une place apparemment saugrenue de l’exposition, dans un coin, est remué par ce qui pourrait être un gros bourdon enfermé dessous. Sa place dans l’exposition interroge, là encore, le processus créatif et l’éclosion des idées.
Fatal Egoist se compose d’un VTT jaune au cadre plié en angle droit et de sa réplique exacte située dans un coin de la salle suivante dont il épouse parfaitement la configuration. On remarquera un détail absurde : l’un des VTT, que sa déformation rend inutilisable, est muni d’un antivol…
En face de lui, une banche de bambou argentée intitulée 206 cm of something est appuyée contre le mur.
Bad Innovation in the Name of Protection se compose d’une poussette transformée en tank à roulettes. La poussette trône fièrement au centre de la salle, à l’épreuve de toute agression. Une façon pour Kristof Kintera de tourner en dérision la paranoïa qui, depuis le 11 septembre notamment, s’exacerbe en un désir de protection confinant à l’absurde.
Toutes les œuvres sont des objets immobilisés. L’artiste décline en effet sous différentes formes le mouvement arrêté : Red is coming est figée dans son écoulement (ce qu’appuie le présent progressif du titre), le supposé bourdon est enfermé sous le seau, 206 cm of something est appuyé contre le mur et donc solidaire d’une chose particulièrement immuable, et pour finir Bad Innovation in the Name of Protection, enferme l’enfant qu’elle protège. Cette réflexion renvoie au phénomène du cocooning, auparavant exploité en 1909 par l’écrivain anglais E.M. Forster dans son roman The machine stops, dans lequel il imagine une humanité où chaque individu vit cloîtré dans une cellule coupée du monde.
L’exposition pose la question notre relation à l’autre qui se base de plus en plus sur la méfiance et s’interroge : comment avancer dans une société qui nous pousse à nous renfermer sur nous-mêmes ? En un sens nous allons vers une société morte : en effet peut-on encore parler de vie quand cette dernière est gouvernée par une inertie morbide ?
Ainsi, Kristof Kintera fait de la galerie un espace où le temps est arrêté, où la vie se fait toute petite (la seule œuvre « vivante » est, 206 cm of something réfugiée dans un coin), immobilisée par la peur.
Kristof Kintera
— Bad innovation in the name of protection (Gulf Style), 2007. Sculpture.
— Red is coming, 2007. Sculpture.
— 206 cm of something, 2007. Sculpture.
— A problem bigger than yours, 2007. Sculpture.
— Fatal egoist #1, 2007. Sculpture.
— Fatal egoist #2, 2007. Sculpture.