Davide Balula, Neïl Beloufa, Melik Ohanian, Zineb Sedira
Prix Marcel Duchamp 2015
Carré d’art accueille les quatre artistes sélectionnés pour le prix Marcel Duchamp 2015, qui distingue chaque année, parmi les artistes français ou résidant en France, un lauréat dans le domaine des arts plastique et visuels. Deux expositions sont prévues pour présenter les artistes nommés — Davide Balula (peintre/process paiting), Neïl Beloufa (installationniste), Melik Ohanian (photographe-vidéaste) et Zineb Sedira (photographe) — pour la quinzième édition, l’une à Nîmes et l’autre, à la Fiac du 22 au 25 octobre 2015.
Le lauréat sera désigné par un jury international et proclamé le samedi 24 octobre 2015 au Grand Palais. Il sera invité par le Centre Pompidou pour une exposition personnelle prévue au printemps 2016.
«Qu’il s’agisse de peintures, de sculptures, de dispositifs, de performances, les œuvres de Davide Balula se présentent comme des expérimentations — c’est-à-dire qu’elles nous livrent tout ensemble une expérience, son protocole, et parfois même son résultat. S’il se dessine la figure d’un artiste qui n’hésite pas à se reconnecter avec la science, qui s’intéresse depuis longtemps aux avancées biotechnologiques au point de baptiser du nom de «l’appareil» son website personnel, pour autant le travail de Davide Balula ne s’enferme en rien dans une imagerie scientifique ou un folklore de l’expérimental underground. Ni dans aucune imagerie d’ailleurs: loin de se figer dans une forme spécifique, c’est au contraire une œuvre en renouvellement permanent.
Tel le cocktail explosif mis au point en 2007 (Cocktail Series, Ice Blows (Black), 2007), telles les nombreuses performances produites par l’artiste et qui mettent l’accent sur la présence chez lui du vivant, chaque pièce de Davide Balula est elle-même en action: émission ou captation de fréquences, dissolution créatrice de l’image, agitation magnétique, et jusqu’à l’explosion spectaculaire de 20 000 pétards dans l’espace d’exposition. De l’œuvre d’art comme un éco-système.» (Jean-Max Colard)
«Fiction et commentaire s’imbriquent de manière indissociable dans le travail de Neil Beloufa. Si l’artiste utilise des stéréotypes (des fictions culturelles) ou des imageries exotiques (des fictions décoratives), il les associe à des codes de l’illusion cinématographique qui témoignent eux aussi de croyances résiduelles et prennent à leur tour une valeur documentaire. Enfin, il livre les codes d’accès de l’ensemble, montrant les horschamps du tournage, l’envers des décors, redoublant les modes de construction de la fiction dans les dispositifs d’exposition.
Neil Beloufa se tient sur un fil entre documentaire et fiction, entre vraisemblance et irréalisme, finissant par faire exploser ces conventions, à la fois littéralement (les scènes finales de saccages du plateau sont fréquentes et renouent avec l’aspect documentaire de la fiction) et visuellement: les dispositifs d’exposition diffractent le regard, atomisent l’image, la prolongent et la commentent, débordant aussi la capacité pour toute vision binoculaire d’embrasser l’œuvre en une seule fois.» (Emilie Renard)
Depuis les années 1990, Melik Ohanian concentre son attention sur l’invention de nouveaux modes de présentation de l’objet filmique, qui en font l’un des artistes caractéristiques de ce que l’on a pu appeler le «cinéma d’exposition». L’utilisation récurrente du travelling contre le montage, la projection de film sans images, la conception de films pour un seul écran sont quelques-uns de ces gestes singuliers. Par-delà ces projets qui aiment remettre en question les évidences constitutives du cinéma, l’œuvre de Melik Ohanian se décline sous une multitude de formes. Parmi celles-ci, la conception d’objets sculpturaux prend une place de plus en plus importante pour interroger à la fois l’espace d’exposition en tant qu’espace de représentation et les enjeux spécifiques, mémoriels, historiques, politiques, propres à la forme monumentale.
Le travail de Melik Ohanian s’entend aussi en terme de territoires physiques et conceptuels dont le point central serait la notion de temps. Plaçant le visiteur dans un état d’exploration, l’artiste met à jour la complexité des «coexistences» qui régissent nos rapports au monde et à autrui.
«Du port d’Alger, à Marseille en passant par les côtes de Mauritanie, les voyages en mer de Zineb Sedira ont généré des oeuvres clés telles que Saphir (2006), MiddleSea (2008) ou Floating Coffins (2009). Elles nous donnent à côtoyer ces ombres errantes qui se cherchent un passé ou un avenir, d’une rive à l’autre, d’une embarcation à une autre; et toujours la Méditerranée comme horizon politique procédant par errance, fugue et escales. La mer fut également pour l’artiste l’occasion de porter l’art de la multi-projection ou du “cinéma d’installation” à une amplitude et une justesse rarement atteintes. Zineb Sedira est une artiste du dispositif, qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais cédé du terrain à l’exploitation des clichés ou à l’esthétisation de l’intime, dans sa manière d’exposer — et de s’exposer — à l’Autre.
Zineb Sedira appartient en réalité à une tradition hybride: celle des arpenteurs de l’image photographique, des collectionneurs de traces autobiographiques, des écrivains-voyageurs à la préhistoire de l’écriture documentaire.» (Morad Montazami)