Photogenetic Draft est une série de soixante quatre demi-portraits issus des archives d’un studio photographique de Bavière, rassemblés deux par deux. Les négatifs ayant été coupés en deux pour éviter toute utilisation ultérieure, Joachim Schmid exploite cette situation en assemblant les moitiés et créer des portraits hybrides, des puzzles inattendus. Il joue les généticiens expérimentaux : la moitié d’un visage de petite fille est assemblée avec celle d’un portrait de femme d’une trentaine d’années (Photogenetic Draft 24), un jeune homme se voit affublé d’une chevelure de femme (Photogenetic Draft 15).
Les douze photos de la deuxième série, Meeting, viennent de catalogues d’agences de voyage représentant des couples en vacances, des clichés de clichés du bonheur conjugal en somme. Des photographies d’une durée de vie très limitée, en tant qu’images publicitaires.
Arcana, enfin, est une frise de quarante cinq photographies issues de négatifs trouvés parterre. Joachim Schmid a conservé sur le tirage final les trous de calage du film et les griffures dues à leur mauvais traitement. Ces photographies trouvées, il ne se les approprie pas pour autant, il n’y ajoute pas un sens ou une histoire. Les sujets restent anonymes, les contextes de prises de vue inconnus. Rien n’est proposé de plus que ce qui figure dans les images.
Prises individuellement, l’intérêt de ces photographies est assez pauvre, et la juxtaposition renforce leur banalité, qui renvoie à la banalité des photos d’amateurs. En les exposant dans une galerie d’art, Joachim Schmid procède à une sorte de célébration, il élève la photographie au rang de pratique culturelle. Avec un regard distancié, Joachim Schmid plonge dans la même indistinction les photographies réussies et les photographies ratées.
Les trois séries présentent trois versions de mise en scène de la photographie. Dans Meeting, les sujets jouent le rôle de couples artificiels dans des postures compassées. Les sujets de Photogenetic Draft ne jouent pas de rôles, mais posent selon les codes du portrait photographique. Enfin, les photographies de Arcana ont une spontanéité que n’avaient pas les deux autres séries : l’absence de mise en scène laisse libre cours au hasard et au naturel des sujets.
Ainsi, Joachim Schmid dérobe des photographies archivées (celles de Photogenetic Draft), utilitaires et vite oubliées (celles de Meeting) ou reniées (celles d’Anarca) pour en faire un matériau artistique. Les poubelles des uns sont le trésor des autres.
Joachim Schmid
— Meeting, 2008. 45 images, pigment ink print. 42,5 x 53 cm
— Arcana, 2002. 45 photographies, pigment ink print. 23 x 27 cm
— Photogenetic Draft, 1991-2001. 32 photographies noir et blanc. 48 x 34 cm