Communiqué de presse
Julien Sirjacq
Primitive Structures
Julien Sirjacq mène une recherche complexe sur les modalités de la perception dont les exigences l’ont initialement poussé à se détourner de la peinture pour une activité disparate, une expérimentation constante et indéfinie débordant les champs disciplinaires.
Les dispositifs de surveillance, les toiles d’araignées, les drogues psychotropes, les catacombes, les complexes militaro-industriels, les ménageries, les sondes stellaires, les maisons hantées et les accélérateurs de particules sont autant d’expériences contradictoires de l’espace et du temps, autant d’inventions antagonistes et de convoitises en lutte que l’artiste met en collision ou en tension.
« Primitive Structures » poursuit cette mécanique de train fantôme traversant à rebours les souterrains tortueux où sont ensevelies les images vampirisées par la culture. Telle une chambre optique d’Athanase Kircher ruinée par un concert punk, « Primitive Structure » est un ensemble d’images en décomposition au centre duquel s’illumine un énorme oeil de crocodile.
Rappelant ces séquences de kaijû eiga (Gozilla, King-Kong, Mothra…) où un orbe titanesque se colle avec appétit contre l’orifice d’une fenêtre, Léviathan (2007-2008) renvoie également à une triple référence où l’on retrouve un monstre biblique, un télescope géant du 19e siècle et un projet politique fondé sur le contrat social au XVIIe siècle. Trois colosses, trois appareils de dominations : religieux, optique, politique.
Plan fixe infrarouge sur l’oeil d’un saurien à l’affût dans la nuit. Deux dispositifs de surveillance se font face et s’abîment dans un feed-back imperceptible et angoissant. Etirée sur toute la surface de projection la gueule gigantesque se mue en un épiderme irrégulier infiniment réversible.
Cette peau dont on fait des sacs devient l’écran d’une crise, une bourse de Fortunatus, un objet étrange dont la couture confond l’intérieur et l’extérieur sur un même plan. La nuit verte dans laquelle baigne l’animal se prolonge de l’autre côte de sa rétine à l’endroit même où gronde une cacophonie d’ébranlements cérébraux dont le bourdon transmet un tremblement à tout l’espace d’exposition.
Ces vibrations basses, comme le rassemblement de milliers de chuchotements incompréhensibles à l’intérieur d’une boîte crânienne ou d’une caverne, placent le dispositif de « Primitives Structures » sur un terrain mouvant, l’envers du Léviathan dont le trouble se propage sur les murs.
Rites funéraires païens, ogres chanteurs, porcs décapités et lémures dégoulinants sont les archives hétéroclites d’un folklore grotesque et inclassable contre lequel l’érection du Léviathan se promettait de retenir l’insubordination.
La réminiscence de « la guerre de tous contre tous » s’intègre alors au processus de fabrication des images. Insinuant des mécanismes hallucinatoires et mnésiques au sein même des techniques de reproduction, expérimentant l’impensé de la machine, chaque image procède, selon les dires de l’artiste, d’un rituel d’impression.
A la fois minutieuse et inspirée la sérigraphie de Julien Sirjacq besogne à une infinitésimale turbulence des trames et dessine un chaos capillaire, un pointillisme hérétique propice à une métamorphose incessante.