Xu Zhen Produced by MadeIn Company
Prey
Xu Zhen Produced by MadeIn Company propose une sélection de six œuvres de grand format, issues de la série Prey. Ces peintures sont réalisées à partir de documents photographiques pris par une équipe de MadeIn Company dans des habitations précaires dans les provinces de Sichuan et Guizhou, en Chine.
Chaque peinture est enchâssée dans un cadre aux dorures baroques, et est accompagnée d’un cartel précisant les coordonnées géographiques précises du lieu où a été réalisée la prise de vue de ces intérieurs — deux éléments considérés comme faisant partie intégrante de l’œuvre.
Avec cette série, Xu Zhen by MadeIn Company ironise avec sagacité sur les rapports esthétiques qui lient l’art et la misère. Réalisés avec grande virtuosité technique à la peinture à l’huile, une exécution traditionnelle dans le choix des cadrages et des clairs-obscurs d’inspiration flamande, ces intérieurs ruraux démunis gagnent en majesté et en noblesse par le traitement de cette facture classique.
C’est précisément en confrontant un intérêt esthétique à des principes éthiques que Xu Zhen Produced by MadeIn Company déstabilise la morale et ébranle la conscience du spectateur pour questionner nos critères d’appréciation de la beauté face à une somptueuse indigence. Ces lieux désincarnés assemblent des paillasses sales, des paniers d’osiers aux tressages disjoints, des couchages branlants de bois et de crin aux linges maculés et rapiécés sur un sol de terre battu ou de béton poussiéreux. Seuls les vestiges d’une présence humaine hypothétique colorent ces théâtres sordides: un buisson vert ardent de pousses de feuilles, un poster de Mao sur le mur lézardé, une paire de chaussures élégantes, un voilage parme aux franges dorées, des faucilles de moisson et ustensiles de cuisine poisseux, des sacs blancs de riz évidés, une couette au motif composé fleuri ou encore une veste au bleu intense.
Xu Zhen et la maison de production artistique MadeIn Company — fondée en 2009 par l’artiste protéiforme, font figure d’exception dans le marché international de l’art contemporain. En reproduisant dans un catalogue une peinture de la série Prey accrochée dans un intérieur opulent de collectionneur — manifestement au moyen d’un montage Photoshop, on nous donne à voir des photographies dans des demeures luxueuses qui sont des peintures réalisées sur la base de photographies d’habitations misérables.
La confusion des genres trouble la perception de son travail et remet en question la construction du sens de l’œuvre, déréglée par une construction binaire pourtant simple qui oppose la pauvreté à la richesse. Prey signifiant en anglais Proie, on ne sait plus tout à fait si le terme désigne le paysan exploité par les riches ou si c’est le collectionneur et le marché de l’art qui sont dans le viseur de l’artiste.