ART | EXPO

Presque rien

05 Juin - 31 Juil 2015
Vernissage le 05 Juin 2015

«Presque rien, c’est tout», écrivait Niele Toroni sur une des ses compositions. Les œuvres réunies dans cette exposition collective partagent une esthétique du peu et un vocabulaire plastique épuré. Sous une apparente simplicité, dessins, photographies, peintures, objets sculpturaux, sculptures ou film 16mm parviennent à nous toucher et à marquer nos esprits.

Leonor Antunes, Christian Boltanski, Carol Bove, Nina Canell, Lygia Clark, Simon Fujiwara, Marine Hugonnier, Koo Jeong A, Seung-Taek Lee, François Morellet, Gabriel Sierra, Rayyane Tabet, Niele Toroni, Richard Tuttle, Cerith Wyn Evans
Presque rien

Si le rien évoque l’absence, le manque, le néant, c’est parfois à la lisière de ce rien que certains artistes excellent. Sous une apparente simplicité, leurs œuvres parviennent à nous toucher et à marquer nos esprits. Celles présentées dans l’exposition (dessins, photographies, peintures, objets sculpturaux, sculptures ou film 16mm) partagent ainsi une esthétique du peu et un vocabulaire plastique épuré.

Avec de modestes petites boîtes d’allumettes, Lygia Clark (Belo Horizonte, 1920 – Rio de Janeiro, 1988), alors en convalescence, fabrique chez elle au milieu des années 1960 ses premières Estruturas de caixas de fosforos. Avec la série des Bichos, ces structures modulaires font partie des œuvres les plus emblématiques de son travail. En aluminium, le Bicho Linear (1960) (bestiole en français) se présente comme un objet tridimensionnel et polymorphe, profondément organique selon Lygia Clark.

Christian Boltanski (né à Paris en 1944) utilise des matériaux récupérés tels que des photographies trouvées ou des vêtements usagés. Les Scratch (2010) sont réalisés avec des images de l’Album de la famille D. recouvertes d’un verre peint gratté par endroits, métaphores des souvenirs fragmentés de n’importe quelle famille. Caractéristiques du langage visuel de Christian Boltanski, les petits cadres en fer blanc sont accompagnés d’une ampoule prodiguant à chacune des pièces une dimension mystique.

C’est en combinant des objets trouvés de natures et d’époques variées que Carol Bove (née en Suisse en 1971) crée des arrangements délicats qui brouillent notre appréhension du temps.

Connu pour ses «non-sculptures» ou «anti-sculptures», Seung-Taek Lee (né en Corée en 1932) est considéré comme l’un des artistes majeurs de l’avant-garde coréenne du XXème siècle. Imprégné par les traditions religieuses et populaires de son pays, il a développé une œuvre élaborée à partir de phénomènes naturels (le vent ou le feu) ou matériaux tels que les pierres, le cordage et le bois, comme l’illustrent les deux œuvres Godret Stone (1958) et Tied Stone (1960).

La corde et le bois mais aussi le cuivre ou le cuir sont les matières premières privilégiées de Leonor Antunes (née au Portugal en 1972) qui présente une sculpture suspendue occupant l’espace avec discrétion. Une des particularités de sa pratique réside dans l’utilisation de matériaux façonnés suivant des techniques artisanales.

Nina Canell (née en Suède en 1979) conçoit des objets sculpturaux avec des matériaux de construction (béton, clous, câbles, néons) qu’elle détourne avec minutie. Mid-sentence (2014) est composé d’un socle en béton sur lequel repose un morceau de câble de télécommunication faisant allusion à une liaison ou connexion interrompue.

Richard Tuttle (né aux Etats-Unis en 1941) est reconnu internationalement pour ses sculptures composées de divers matériaux élémentaires et échappant à toute classification ou interprétation. Ses dessins, à l’image de Cognition (2010), reflètent le même esprit: «Faire une chose qui ne ressemble qu’à elle-même».

Certaines pièces de l’exposition impliquent un geste artistique simple ou subtil. Depuis 1966, la peinture de Niele Toroni (né en Suisse en 1937) ne représente rien et ne montre rien d’autre que sa propre matérialité. Pour «Presque rien», il réalise des empreintes de pinceau N°50 à intervalles réguliers de 30 cm sur trois feuilles blanches punaisées sur un châssis en bois sur lequel on peut lire l’inscription «Presque rien, c’est tout».

François Morellet (né en France en 1926) développe également depuis plusieurs décennies un travail obéissant à un certain systématisme sans cesse renouvelé. Les sculptures en néon de la série Lamentable sont obtenues par la décomposition d’un cercle en plusieurs segments suspendus, déstructurant la forme géométrique. A première vue désordonnées, elles sont en réalité savamment conçues afin que les arcs forment un cercle parfait.

Rayyane Tabet (né au Liban en 1983) réalise in situ Waiting for a Manifestation, un même geste répété des milliers de fois; des inscriptions murales à la manière de celles exécutées par les prisonniers comptant leurs jours d’incarcération.

Le Désir n’est presque rien et pourtant… (2015) de Marine Hugonnier (née en France en 1969) est un film 16 mm sur L’hermaphrodite endormi, célèbre sculpture conservée au Louvre. Le film ne serait qu’un plan séquence classique si de subtils effets spéciaux ne venaient nous surprendre.

L’imperceptible est l’un des traits principaux du travail de Koo Jeong A (née en Corée du Sud en 1967). A la galerie, l’artiste utilise de la poudre de cristal pour reproduire en pointillé les contours d’un dessin (Gravittaya, 2015) et crée un muret composé de centaines de petits aimants (Cedric & FRAND, 2014-2015) en hommage à l’architecte Cedric Price.

Le travail de Cerith Wyn Evans (né au Pays de Galles en 1958) prend sa source dans la littérature, la philosophie, la musique et utilise la lumière, le son aussi bien que le langage. Presque imperceptiblement, le chandelier We are in Yucatan and every unpredicted (2012/2014) s’illumine par intermittence au rythme de la chanson Gimme Shelter des Rolling Stones tout en transcrivant un texte en morse.

Masks (Merkel) (2015) est une série de peintures abstraites aux tons rosés et chair de Simon Fujiwara (né en Angleterre en 1982). Exclusivement réalisée avec les produits cosmétiques de la chancelière allemande, chaque peinture figure un plan très rapproché de son visage, dont on ne perçoit en réalité que le «masque».

Evoquant cette fois une peinture monochrome, Sin título (espantapájaros 7), (2014) de Gabriel Sierra (né en Colombie en 1975) est composé d’une fine couche de gesso déposée sur de la paille agglomérée, matériau peu onéreux largement utilisé dans la construction, reflétant l’intérêt de l’artiste pour l’architecture.

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