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Présence des empires

Comment reconstruire, sans l’essentialiser, la culture indigène des colonisés? Ce numéro de Critique offre quelques réponses. En analysant quelques exemples significatifs, il s’agira donc pour les auteurs d’examiner l’émergence des études dites «postcoloniales».

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Présentation
Philippe Roger
Présence des empires

Les guerres de décolonisation marquent la fin des empires: telle est la leçon transmise par les manuels scolaires. Mais les empires ne disparaissent pas des esprits aussi facilement que des mappemondes. L’histoire des sociétés impériales fait toujours l’objet de vives controverses et les préjugés sur les peuples et la hiérarchie des cultures qui justifiaient les entreprises coloniales ont la vie dure. Ainsi vivons-nous toujours au miroir des empires.

Le déclin du colonialisme politique est concomitant de l’émergence des études dites «postcoloniales». Ces recherches, enfin reconnues en France, sont aujourd’hui intégrées dans une histoire mondiale des formes politiques impériales, qui va de la Rome antique et de la Mongolie à l’Autriche-Hongrie et à l’Union soviétique, en passant par les Empires chinois ou insulindien. Ce «grand angle» restitue mieux les concurrences entre sociétés impériales, ainsi que les intenses circulations entre colonies et métropoles. Il permet aussi de poursuivre autrement l’enquête postcoloniale, qui s’était surtout penchée sur la fonction politique des clichés (orientalistes en particulier), en reconstituant l’histoire intellectuelle des colonisés.

Comment reconstruire, sans l’essentialiser, la culture indigène des colonisés? Que nous apprennent sur nous-mêmes ces sources nouvelles venues des périphéries des anciens empires? Ce numéro de Critique offre quelques réponses. L’Histoire à parts égales de Romain Bertrand est analysé par Jean-Frédéric Schaub, lui-même spécialiste des contacts entre empires. Thomas Brisson retrace le débat anthropologique suscité par Rétrovolutions de Jean-Loup Amselle. Avec Guillaume Bridet lecteur de France Bhattacharya, nous partons pour le Bengale précolonial et colonial. Catherine Jami nous entraîne dans la Chine de l’empereur Kangxi adoptant les mathématiques «occidentales». L’entretien que nous a accordé l’historien américain Frederick Cooper, excellent connaisseur du colonialisme en Afrique et auteur d’une somme sur les empires dans l’histoire mondiale, complète ce parcours en terre d’empires.

SOMMAIRE

— Le monde comme interprétation. Quand l’historien se fait traducteur (Jean-Frédéric Schaub)
— La révolution des «autres» (Thomas Brisson)
— Penser en pays dominé (Guillaume Bridet)
— Kangxi, les mathématiques et l’empire (Catherine Jami)
— Histoires d’empires (Entretien avec Frederick Cooper)
— Le retour du refoulé logique (Entretien avec Jocelyn Benoist)
— Pour les univers parallèles (Entretien avec Pierre Bayard)
— L’exception audiovisuelle française (Olivier Alexandre)
— Une si douce dialectique (Pierre Rusch)

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