fabien
Prends le temps
Si l’univers des sculptures machines de Fabien s’inscrit dans la lignée des boîtes animées de Joseph Cornell, l’assemblage pêle-mêle d’objets hétéroclites qui les constituent n’est pas le simple fruit de rencontres arrangées. L’artiste construit un monde bien réel dans lequel il « incorpore » ses rêves, pris au piège comme dans un poème surréaliste. Les objets façonnés conservent toute leur beauté mystérieuse. Cette fascination qu’entretient l’artiste pour le mouvement est métaphore du rêve en action.
Photographe avant de devenir sculpteur, Fabien est un artiste metteur en scène. La grande installation Voyage en Amérique, présentée à la galerie, a été construite pour le film de Bruno Podalydès, Le Mystère de la chambre jaune. Petit clin d’œil au célèbre détective, une bille roule avant de se perdre dans les entrailles de la «sculpture machine».
Invité à activer le mécanisme, le visiteur lance la bille qui déclenche ainsi une série d’événements : une roue lumineuse s’enclenche, un gramophone se met à jouer un air de musique désuet, des ombres chinoises apparaissent sur un écran de tissu et, comme par magie, de la fumée enveloppe la bille lors de sa traversée de l’Atlantique jusqu’à la Statue de la Liberté.
Ces sculptures machines rassemblent un univers riche et singulier d’objets improbables glanés ou fabriqués qui se combinent aux vidéos dont il produit toutes les images méticuleusement. Cet univers, au-delà des associations visibles, offre un spectacle du monde en mouvement, fragile alchimie du mystère de la vie.
La seconde sculpture mécanique aux dimensions plus modestes, Prends le temps, exerce sur le visiteur le même pouvoir hypnotique. Hommage à l’artiste Pol Bury qui, en découvrant les sculptures de Fabien, a dit : « Ces mouvements ne sont pas démagogiques, ils fascinent ». Ce petit théâtre animé nous livre un univers réduit à sa plus simple expression : des images défilent sur un écran plasma, une caméra filme l’ascension d’un piston déclenché par le contact de la bille – une bande-son rythme les différentes séquences. Intimement lié à l’œuvre, le visiteur est convié, l’espace d’un instant volé au temps, à méditer et éprouver des émotions rares. Cette toute dernière sculpture se conçoit comme une expérience de la durée.
A la différence des maquettes des plateaux de films miniaturisés des artistes américains Jennifer et Kevin McCoy, l’univers de Fabien ne cède pas à la tentation de la prouesse technologique, mais se met au service du détournement poétique de l’objet. Fabien construit et bricole ses installations à l’intuition. L’artiste se plaît à faire vaciller le sens du monde ; pour lui, il s’agit avant tout de favoriser l’émotion.
Pour captiver notre attention, l’artiste déploie des trésors d’ingéniosité. Les tours de magie s’enchaînent comme pour mieux tenter de retenir la fraîcheur de l’instant qui s’éloigne peu à peu et se transforme déjà sous l’effet du temps en souvenirs nostalgiques.
Sébastien Delot
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Natalia Grigorieva sur cette exposition.