Une commande appliquée à l’amour, deux femmes, deux hommes. Les deux créatrices ont produit des formes englobantes aux contours indéfinis, quand les deux créateurs ont imaginé des dispositifs fonctionnels capables d’énoncer les déséquilibres du rapport amoureux. Pour exprimer ses fluides, Arik Levy et Mathieu Lehanneur ont utilisé le son, sensuel et néanmoins techniquement qualifiable. Matali Crasset et Florence Jaffrain, elles, font référence à l’univers marin, inspirées par la méduse ou un corail mou de l’océan indien.
C’est depuis la rue que la Galerie Slott attire le chaland ! En vitrine, le Belly Love de Florence Jaffrain. On n’y lorgne pas une femme languissante, mais un véritable écrin pour la nudité. On imagine se lover au creux de ce corail adouci par les faveurs d’un textile photo luminescent. Belly Love est un ventre qui respire entre les cils de sa surface érogène, un sofa androgyne qui fait corps avec ses émotions au point de devenir lui-même objet du désir ! Sa présentation sensationnelle annonce une exposition où l’humour est provoqué par la rencontre entre la vie pratique et un sujet tissé de non-dits ou d’idées inédites, entres les mailles serrées des codes amoureux.
Pas de productions à usage indiqué donc, mais des sensations traduites au seuil de l’architecture ou de la sculpture, dans un environnement quotidien aux dimensions revisitées. Pour Matali Crasset et sa vision de l’intimité domestique, le rituel amoureux est un stimulus de création idéal. Entre design et bâti, à l’endroit même de l’excitation que l’on avait à construire nos cabanes, elle propose un abri circulaire et perméable: une assise surmontée d’une corolle au rideau de filins. Sans eau, la méduse n’est plus qu’une enveloppe à peine corporelle. C’est notre écosystème que Matali Crasset vient travailler pour donner corps à nos ébats, soit l’air et en terme d’espace, le vide. Sans signifier l’enfermement, Aequorea est un de ces lieux d’isolement dont nous manquons.
The Power of Love de Mathieu Lehanneur isole les amants en les reliant par deux casques à un feu stéréolithographié dans lequel ils insèrent leurs musiques respectives. Animés d’un désir dans l’altérité, ils ont pour seul contact avec l’objet les membranes des écouteurs, même si la connexion rappelle à l’érotique de nos usages virtuels faits d’insertions, de glissements et de doubles. Sculpturales, les flammes ont la distance d’un idéal. Mathieu Lehanneur arrête un instantané du foyer digital au moment où il figure l’amour originel aux yeux de son commanditaire. Le designer doit créer les conditions de l’usage (ici un dispositif qui unit deux êtres au bord du déséquilibre qui entretient le souffle amoureux), et donner forme à sa portée (de l’ordre des représentations, le feu métallisé miroite les attentes de l’amour).
A l’étage de la galerie, on découvre les malices d’Arik Levy. Convaincu des faux-semblants de l’ordinaire, il s’amuse à y semer les signes camouflés de notre sexualité. Trouvez le sens caché des meubles Dick, Pussy & Ass ! Ces rangements sont des pictogrammes géants, modulaires au gré des envies. Ass est en étoile, Pussy peut s’entrebâiller et Dick s’en approcher. Autre dimension, autres moeurs. Arik Levy accorde à ses objets un crédit émotionnel qui interfère avec les langages symboliques, signalétique ou corporel. Soit à petite échelle, lorsqu’il fait d’une jarre en bois le socle de vibromasseurs en métal, simple objet de réconfort tant il réserve de fantasmes. Soit en déployant les ardeurs à l’excès, avec un tapis d’escalade qui déborde sur les murs, ou un confessionnal pour la communication du couple. La hauteur intermédiaire de ses assises et l’austérité de ses cavités y sont gages de protection ou d’humble mesure.
Les propositions de ces quatre designers ne présentent pas la réalité charnelle du sexe. Elles sont une caisse de résonance aux imperceptibles du rapport amoureux, une vision décomplexée de l’objet du désir, accessoirisé ou privilégiant l’espace… de jeu !
Mathieu Lehanneur
— The Power of Love, 2009. Stéréolithographie, métallisation, carte électronique, casques audio. 59 x 38 x 40 cm.
Matali Crasset
— Aequorea, 2009. Structure métal, plastique, coussin en mousse et tissu enduit, lampe de Wood. 250 x 190 cm.
Arik Levy
— Confession, 2009. MDF poli noir, châtaigner verni mat, coussin en plumes, textile en feutre. 210 x 86 x 87 cm.
— Dick, Pussy & Ass, 2009. MDF noir ciré. Dimensions variables.
— Love Chair, 2009. Quadrat Divina, métal chrome, émotions. 70 x 70 x 75 cm.
Florence Jaffrain
— Belly Love, 2009. Mousse souple textile sensorielle photoluminescente. 90 x 170 x 170 cm.