Jean-Marie Blanchet, Stéphanie Cherpin, Camila Oliveira Fairclough, Hugo Pernet, Sébastien Vonier
Préférez le moderne à l’ancien
L’exposition «Préférez le moderne à l’ancien» s’interroge sur l’abstraction dans un contexte aujourd’hui dominé par les images et l’information, en rassemblant de jeunes artistes émergents de la scène artistique française et internationale. Leurs œuvres, appréhendées dans une optique élargie — l’œuvre d’art abstraite, qu’elle soit peinture ou sculpture, n’étant plus seulement envisagée comme close sur elle-même — entretiennent des connexions directes avec le monde réel. Par allusion et évocation, celles-ci déplacent notre point de vue et introduisent une ambiguïté sur ce qui nous est donné à voir.
Au fil du parcours, s’entrelacent attributs de l’abstraction moderniste (grille, simplification des formes, réduction des couleurs) et références plus familières (mobilier, écriture, musique) au point que certaines productions induisent une certaine confusion quant à leur nature. Ainsi, face aux œuvres de Sébastien Vonier et de Stéphanie Cherpin à l’esthétique faussement fonctionnelle, on s’interroge: s’agit-il d’éléments de mobilier ou de l’évocation d’un paysage? Une géométrie familière se dégage également des œuvres en similicuir de Jean-Marie Blanchet accentuant la dichotomie entre le réel, signalé par le matériau, et l’abstraction, incarnée par le monochrome.
Netteté de la ligne et expressivité du geste se côtoient dans un environnement à l’exubérance signalétique avec notamment les quatre peintures Marlett de Camila Oliveira Fairclough qui surplombent la sculpture Let’s Me Knife, Knife Me Lets, I Will Get What I Like de Stéphanie Cherpin. L’espace, ainsi rythmé par les formes héraldiques de Hugo Pernet et de Camila Oliveira Fairclough, est habité de messages et de signes, à l’instar des enseignes et logos dans l’environnement urbain.
Les titres des œuvres offrent un niveau de lecture supplémentaire comme autant d’indices renvoyant à une réalité propre aux artistes. Jean-Marie Blanchet y cultive une certaine ambivalence tout en privilégiant le simulacre. Hugo Pernet rend hommage à des artistes historiques. Stéphanie Cherpin choisit des titres de chansons pour ses œuvres, renseignant ainsi quant à son processus créatif. Sébastien Vonier, lui, mentionne des lieux précis tandis que Camila Oliveira Fairclough, dans une dimension presque ludique, joue sur le lisible et le visible. Comme le rappelle Michel Butor dans son livre Les Mots dans la peinture: l’expérience de l’œuvre «comporte en fait une considérable partie verbale. Nous ne voyons jamais les tableaux seuls, notre vision n’est jamais pure vision».
Introduite par une peinture de Hugo Pernet représentant la première photographie de Nicéphore Niepce, l’exposition se conclut par Ultimate paintings du même artiste. Réminiscence de la célèbre série d’Ad Reinhardt, cet ensemble semble figurer un fondu au noir, tel qu’il en survient à la fin d’un générique de film. L’image, de son apparition à sa disparition, est au cœur de cette boucle métaphorique. La polysémie et la vertu germinative des œuvres de l’exposition, empruntant des fragments reconnaissables au monde réel, suscite chez le regardeur autant d’analogies que d’images mentales.
«Préférez le moderne à l’ancien» tend à mettre en lumière une image du réel plutôt que le réel lui-même.
Commissariat
Karen Tanguy