Cette page a été un peu chahutées en passant de l’ancien au nouveau site, les corrections sont en cours.  
Non classé

Poussière dansant dans un rai de lumière verte

06 Nov - 23 Déc 2010
Vernissage le 06 Nov 2010

Les vidéos présentées ici offrent des fragments d’images d’un paysage nocturne filmé en infra rouge, baignant dans une lumière verte, accentuant ainsi la tension du regard, celui de l’artiste qui observe la scène.

Communiqué de presse
Isabelle Lévénez
Poussière dansant dans un rai de lumière verte

Isabelle Lévénez aime à manier les contraires et l’ambiguïté. Les images, les titres de ses oeuvres, les phrases qu’elle écrit sont autant de «jeux d’ombres et de lumières qui définissent la posture générale de l’artiste, développé par les multiples pièces de son travail tournant autour du thème du secret», nous proposant une réalité fragmentée, un jeu entre innocence, rêves et fantasmes, entre douceur et violence.

Pour sa première exposition personnelle à la Galerie Isabelle Gounod, l’artiste présente une installation vidéo (2010) Poussière dansant dans un rai de lumière verte. Ces vidéos présentées sur des écrans encastrés dans des cloisons rouges, offrent des fragments d’images d’un paysage nocturne filmé en infra rouge, baignant dans une lumière verte, accentuant ainsi la tension du regard, celui de l’artiste qui observe la scène.

Le corps absent de l’image est néanmoins omniprésent: il est caché, dissimulé. Il est question ici de corps/paysage, du corps absent qui demeure objet inquiétant et intriguant, corps de tous les désirs. L’artiste confirme dans ce dispositif son intérêt pour l’exploration du corps comme espace à découvrir, réaffirmé dans ces images par l’élaboration de son espace intérieur, de sa vision du monde. Celle installation est associée à un mur d’écriture à la craie, forme d’expression qu’Isabelle Lévénez utilise comme un matériau, en écrivant directement sur le mur de la main «gauche», une phrase répétée. Il s’agit ici du titre de la pièce: Poussière dansant dans un rai de lumière verte. Autre versant de l’expression d’Isabelle Lévénez, les dessins à l’encre aquarelle, associés à des feuilles d’écriture à la craie.

«La lumière chez Isabelle Lévénez ne sert pas tant à éclairer qu’à mettre en évidence cette part manquante plus ou moins opaque, plus ou moins effrayante. L’art se noue pour elle aux signes de la dépossession. Il prend sa source dans la longue histoire du clair-obscur pour laquelle voir implique naturellement fantasmes et rêveries.» Catherine Francblin «La Part manquante», in catalogue Bleu, blanc, rouge, Galerie Duchamp, Yvetot, 2007.

Texte de François Michaux
Au-delà du principe de réalité

Pour ceux dont la fréquentation du travail d’Isabelle Lévénez est ancienne, et pour en informer quelque peu les autres, une idée très simple semble venir tout naturellement à l’esprit: le corps qu’elle met si souvent en scène — encore que l’expression laisse entendre plus qu’une «façon de parler» — n’a qu’une présence fugitive, impersonnelle, inadéquate même, car ce que l’artiste semble viser se situe toujours au-delà ou en deçà, ailleurs en tout cas.

Pourtant, ce corps est toujours là et, tout comme le nôtre (celui dont nous éprouvons la fermeté, l’étanchéité, voire la porosité), celui qui apparaît à l’écran a sa pleine consistance. L’incarnation qu’il implique n’est pas amoindrie par la vidéo ou la photographie; au contraire, ce corps peut sembler très présent, rendu trop humain par le grossissement de l’objectif.

Dans le dessin, qui accompagne immanquablement les images obtenues par reproduction mécanique ou électronique, c’est plutôt une allusion de corps, des silhouettes que l’on entrevoit: ce qui reste après certaines opérations aussi essentielles que l’absorption, la mastication, la vue, la pénétration, la parole. La bouche, l’œil, la main, les membres, rarement d’autres organes s’y associent de diverses manières, mais d’aucune qui ne soit réelle — réaliste en quelque sorte. Ainsi, celui qui les observe attentivement peut prendre conscience de ce paradoxe: entre le monde de l’image «réelle» (vidéo ou photo), celui du dessin et cet autre, dont nous n’avons pas encore parlé et qui est pourtant si présent — celui de l’écriture —, de nombreux échanges s’opèrent, de l’ordre du signe et de la connotation de l’un par l’autre; pourtant, ils ne paraissent pas véritablement connectés entre eux. Il demeure une limite, une frontière par où, certainement, quelque chose peut passer mais qui ne se situe jamais complètement dans l’ordre du visible.

Depuis bientôt quatre ans, l’artiste revient sur des images antérieures, mêlées aux nouvelles, chaque étape de ce processus entraînant des écarts — suppressions, effacements, ou bien assimilation et transformation. La poussière dansant dans un rai de lumière verte provient du souvenir très précis qu’elle garde d’une peinture de Vilhelm Hammershøï (1864-1916) et du sous-titre que ce dernier a donné à l’œuvre: Rayon de soleil, Poussière dansant dans un rai de lumière (1900, musée d’Ordrupgaard, Copenhague).
L’imprégnation progressive d’éléments perçus, visuels ou non, fait intimement partie du processus de travail. Une fois restituée, la continuité de cet échange disparaît, n’en laissant que les traces — comme un rayon de lumière matérialise la poussière, alors que celle-ci, pour nous, n’existait pas avant et n’existera plus après. Elle écrit: «Se situer à la limite de l’image, à l’endroit d’un manque dans lequel chacun peut projeter du réel», et aussi: «Elle filme pour dire qu’elle est là et ailleurs à la fois» et, enfin, disant je cette fois: «J’efface un lieu pour en créer un autre pour tout recommencer. Je brouille les pistes».

Ce texte n’est pas une introduction, il serait plutôt une postface, l’esquisse d’une description de plusieurs années de travail et d’expériences qui menèrent Isabelle Lévénez à prendre de plus en plus en compte l’espace – l’espace réel, celui dans lequel vous pénétrez. De ces tentatives qui la font marcher souvent dans les pas de Bruce Nauman (Mapping The Studio, entre autres), l’exposition du centre d’art de Pontmain, «Visions», en 2008, fut l’une des plus radicales: ceux qui ont eu la chance de l’expérimenter se souviennent d’une quasi-annulation de la pesanteur, d’une pénétration dans le bleu – d’une compénétration devrait-on dire plutôt, de la lumière avec le corps, au point que les frontières s’estompaient réellement et que l’image vidéo n’était que le vestige sensible du fait qu’il y eut un corps, un instant plus tôt.

François Michaux

Recettes d’IL :
Pour être au centre du monde et rester caché des autres
Immobilisez vous au cœur d’un paysage
Attendez le silence de l’image pour paralyser la fuite de votre corps
Puis plongez en vous-même.

AUTRES EVENEMENTS Non classé