— Auteurs : Sybil Albers-Barrier, André Aschieri, François Barré, Jean-Philippe Billarant, Dominique Boudou, Gilles Clément, Renaud Donnedieu de Vabres, Catherine Francblin, Rudolf Koella, Anne Tronche
— Éditeurs : Isthme éditions ; Centre national des Arts plastiques, Paris
— Année : 2004
— Format : 21,50 x 26,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 285
— Langues : français, allemand
— ISBN : 2-912688-43-4
— Prix : 40 €
Préface
par Jean-Philippe Billarant (p. 25)
L’art concret, et ses prolongements minimal et conceptuel, respectent quelques grands principes. J’en rappellerai trois, extraits du texte fondateur :
« L’œuvre d’art doit être entièrement conçue et formée par l’esprit avant son exécution »,
« Le tableau n’a pas d’autre signification que lui-même »,
« La technique doit être mécanique, c’est-à -dire exacte, anti impressionniste ». La première phrase assume un grand courant de la tradition illustrée, notamment par Piero della Francesca et Poussin.
Les deux dernières, en rupture avec la représentation, participent de l’avènement de la modernité.
Ces principes ouvrent aux collectionneurs d’art concret de larges perspectives, bien éloignées de l’enfermement dont on l’accuse parfois.
Le dialogue s’instaure ainsi à plusieurs niveaux.
D’abord entre le collectionneur et l’œuvre : elle ne s’impose pas, mais par sa proposition conduit au questionnement. Le collectionneur n’est pas passif ; il participe, d’une certaine manière, à la recréation de l’œuvre, à partir de la méthode ou du système mis en place par l’artiste. Certaines pratiques contemporaines le conduisent jusqu’au statut d’interprète qui exécute la pièce, comme le musicien une partition. Cette approche d’une œuvre fondée sur la raison ne nuit nullement à l’expression de la sensibilité. Connaître les grandes lois de l’univers ajoute au plaisir de contempler un ciel nocturne.
Plus généralement, l’œuvre d’art concret favorise le dialogue avec d’autres disciplines : les mathématiques, comme elle fondées sur un système de mesure (nous sommes des peintres qui pensons et mesurons, disait Van Doesburg) ; la musique, dans sa quête d’une plus grande abstraction ; l’architecture, l’art concret étant synonyme de « construit » ou « constructif », et le design dans son souci, partagé avec les mouvements du Bauhaus et De Stijl, d’intégrer les arts appliqués.
Ainsi, le collectionneur d’art concret s’engage-t-il naturellement dans la modernité et, souvent, rêve d’utopie, voulant à la fois convaincre le plus grand nombre de la beauté de son monde et conserver l’exigence de son approche, jugée parfois élitaire.
Les collections d’art concret sont à la fois preuve et source de cohérence et d’ouverture. Cette double logique, renforcée par un mouvement itératif, explique bien, me semble-t-il, les activités de l’Espace de l’Art concret : expositions thématiques ou jeux « créatifs », et les partis pris architecturaux : donation, musée pour enfants et ateliers pédagogiques.
Gottfried Honegger a intitulé une de ses expositions : « Il fallait une vie ». Ne peut-on dire qu’il fallait aussi une vie pour que s’accomplisse, dans un temps si bref, le magnifique projet de Sybil Albers et Gottfried Honegger ?
(Texte publié avec l’aimable autorisation d’Isthme éditions)