Communiqué de presse
Sophie Glade, Julien Lemière, François Marcziniak
Pour le plaisir
Faire quelque chose pour le plaisir ce n’est donc pas exactement le faire pour rien. On comprend tout autant, sinon plus, la nature humaine à travers ce qui est fait pour le plaisir que ce qui vise une quelconque utilité. L’écriture ne serait-elle pas un jeu avant d’être un calcul? Dans un mécanisme bien rôdé, le jeu apparaît lorsque les rouages sont mal emboîtés. La machine devient alors imprévisible. Pour le coup, à chaque raté, elle n’en devient que plus visible.
Le jeu n’est pas improductif en tous les cas. Il peut laisser une marge de manoeuvre. La situation inattendue, lorsqu’elle est sans gravité, offre un champ d’expérimentation. Cet espace-temps partagé –par exemple dans un théâtre, une galerie ou une cours de récréation- intègre chaque participant pour le faire exister sous le regard des autres et à ses propres yeux.
Ce serait une erreur de retrancher exclusivement les plaisirs et les jeux dans le domaine de l’amusement. L’érotisme, la religion, la politique sont à la fois graves et ludiques. Ils convoquent la magie, le spectacle et la fascination, bien au delà de la réalité quotidienne. En eux opère le charme qui nous ébranle en profondeur.
La monstruosité du monde, dissimulée par l’habitude, est représentée par l’idole, la poupée, la pièce d’échec, parfois même sous la forme de la tendresse. Le monstre, image hybride et miroir de nos paradoxes, nous attache comme il nous repousse.
L’image intègre le signe tracé comme dessin référant aux objets et lettres renvoyant à la parole. L’image est un masque par lequel le monde surgit à la fois sous nos yeux et par notre bouche. Plus précisément, les affiches se tiennent comme des pages arrachées et livrées au regard commun. Leur unité visuelle livre un recto signifiant dont le verso signifié est lisible bien qu’invisible. Exploiter la visibilité du recto à plein régime diminue la lisibilité du verso, mais fait en même temps du texte autre chose qu’un outil de lecture.
L’image surgit dans cette dysfonction du signifiant en tant que tel. Elle s’impose comme reflet qui déforme. Mais c’est un reflet qui conserve la trace d’une syntaxe, d’une articulation. Il laisse envisager le décryptage de ce qui voudrait se dire à mi-mots. La poésie, avec ce lointain appel du sens, est justement image. Elle élève le détail au rang d’une science, par sa nature anecdotique, curieuse et sans portée apparente. Saisir vraiment l’anecdote suppose que l’on en prenne le temps sans penser le perdre. Car ce qui est perdu alors, ce n’est pas le temps lui-même, mais l’ordre qui s’y déploie habituellement.
Il nous est proposé ici à DMA de voir le puzzle du réel ré-assemblé sans contrainte. La lettre libérée du monde devient la pièce autonome d’un jeu qui de se dérègle à chaque coup. L’ensemble des lettres forme la circulaire, affiche qui ne s’adresse à personne en particulier ni non plus à tout le monde. Car le support de communication, pour l’occasion confisqué à la publicité et ouvert à la prolifération sémantique, communique pour communiquer, pour le plaisir, communique mal ou même pas du tout.