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Post-communist pop

Prenez le profil caractéristique de l’ouvrier d’un kolkhoze, tel que l’a consacré le réalisme socialiste dans l’ex-URSS. Remplacez l’ombre menaçante d’un missile soviétique par celle, plus pacifique, d’une bouteille de vodka. Vous obtiendrez la même fierté, la même prétention orgueilleuse à la conquête du monde, comme si ce symbole de consommation made in Russia était devenu aussi universel que l’utopie communiste.

Entre pop-art et réalisme soviétique, un grand écart idéologique, mais aussi des signes et des techniques similaires. Alexander Kosolapov et Wang Ziwei révèlent avec insolence les points communs entre le travail d’un Andy Warhol sur la société de consommation, et la représentation des anciens dirigeants communistes. Pour mieux imprégner les esprits, les industriels comme les leaders politiques standardisent, conceptualisent et reproduisent à l’infini. Dans les deux cas l’image n’est pas mise au service de l’art, mais devient un signe qui peut être consommé parce qu’il est identifiable et identifié.

Détourner les représentations de la culture de masse comme celles des figures communistes, il fallait y penser. Les neuf œuvres exposées à la galerie Hussenot ont beau dater des dernières décennies, les Russes ont fait figure de précurseurs dès les années 1970 en créant le «sots-art», sorte de pop-art à la sauce soviétique.
Un curieux mélange qui prend tout son sens dans l’ère «post-communiste», alors que les repères, l’idéologie et les symboles de l’ancien régime ont été balayés à la chute de l’URSS. Et la nouvelle Russie de se trouver sans défense face à l’invasion de nouveaux signes, ceux de la société de consommation.

Les œuvres d’Alexander Kosolapov et de Wang Ziwei ont bien les apparences du pop-art : des couleurs vives et tranchées, des formes aux contours sûrs, des figures démultipliés, des onomatopées, des produits, sans nuances ni dégradés.
Avec sur le même plan une boîte de caviar en plusieurs exemplaires et le profil de Mao. Les visages des grands leaders communistes ne sont-ils pas aussi devenus malgré eux des logos, à l’instar d’un Che Guevara reproduit à l’infini sur des biens de consommation ? Si bien que l’on s’étonne à peine de voir Lénine déclarer sur une enseigne lumineuse «Coca-Cola, it’s the real thing».

Chez les deux peintres, l’art est un instrument de détournement, un geste politique qui revendique le droit à l’iconoclasme. Alexander Kosolapov et Wang Ziwei font tomber les idoles et mettent sur un pied d’égalité les produits standardisés, symbole d’un accès démocratique à la consommation, et ceux qui ont théorisé l’utopie d’une société égalitaire, sans y parvenir.
 

Alexander Kosolapov
— Absolut Vodka, 1997. Peinture sur toile. 220 x 147 cm.
— Caviar red, 2002. Peinture sur toile. 193 x 194 cm.
— Vodka, 2002. Peinture sur toile. 140 x 180 cm.
— Malevich, 2001. Panneau lumineux. 120 x 90 cm.
— Lenin Coca-Cola, 1980. Panneau lumineux. 120 x 90 cm.

Wang Ziwei
— Agression, 2008. Acrylique sur toile. 200 x 220 cm.
— Dog, 2008. Acryliques sur toile. 200 x 240 cm.
— Mao with moustache, 2007. Acrylique sur toile. 180 x 220 cm.
— Hopeless, 2005. Acrylique sur toile. 180 x 210 cm.

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