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Portrait en pin, en sucre de pastèque et en pierres de Richard Brautigan

— Auteurs : Philippe Squarzoni et Marc Chénetier
— Titre: Portrait en pin, en sucre de pastèque et en pierres de Richard Brautigan
— Editeur : Les Rêveurs (Montreuil)
— Date : sept. 2008
— Pagination : 38 p. (noir & blanc)

Il est donc impossible de tirer le portrait de Richard Brautigan. Ce sont les deux auteurs qui le disent, Philippe Squarzoni pour le dessin, Marc Chénetier pour les textes.
Le format ne convient pas à l’écrivain américain, né en 1935, mort suicidé en 1984. Trop de contrastes épuisent les moindres tentatives de visions concentriques.
L’auteur de Sucre de pastèque, de La Vengeance de la pelouse ou d’Un privé à Babylone, l’exilé perpétuel des genres littéraires n’a pas son pareil pour avancer dans les sillons parallèles. On le dit hippie, alcoolique et certainement un peu fou. Il est aussi discret, profond et très impliqué dans la refondation de la littérature américaine.
 
Alors il n’y a qu’à flirter autour, s’approcher à pas de velours. Ce que fait le dessin de Philippe Squarzoni, vaporeux, sombre, piquant la feuille par hachures franches et se jouant à merveille des clair-obscurs. Entre sa canne à pêche (et la truite probablement au bout), les mains ou les verres qui barrent son visage, ses photographies rangées au milieu des livres, il y a toujours de toute façon un obstacle au portrait.
Le texte de Marc Chénetier, traducteur et ami de Richard Brautigan, n’en dira pas plus. Si ce n’est des mots pour accompagner les croquis, tout aussi âpres, concis, consistants pour être plus juste et baignés dans le jus du style Brautigan, lunaire et quelque peu désenchanté.

Un portrait sauvage en quelque sorte, auquel il manque également un récit. En guise de narration, Philippe Squarzoni et Marc Chénetier tissent la trame d’un Brautigan à plusieurs entrées. Le poète, l’engagé politique, l’amateur de whisky ou de steak-frites.
Aucune ne paraît satisfaisante. Ou plutôt si. Aborder Richard Brautigan par l’écriture, par les nervures de ses textes, la volonté qu’il y met, les doutes qu’il laisse entrevoir entre les lignes, c’est peut-être ça rassembler le personnage.
Et c’est là que le dessin de Philippe Squarzoni, tout en épaisseur, rejoint les paroles de Marc Chénetier faites de témoignages, de souvenirs et des mots même de l’Américain.

Le ping-pong des mots et des dessins fonctionne sans gripper. Le récit nous fait entrer dans les clichés suspendus aux étagères d’une bibliothèque (celle de Marc Chénetier?), on effleure des yeux la couverture des livres, le métal froid d’un Magnum 44, celui que l’écrivain utilisera pour se donner la mort.
Le duo texte/dessin se construit dans une véritable fluidité, en évitant les redondances, en ajoutant un sens, un niveau de complexité à chacune de leur confrontation. Mais malheureusement il n’a pas le temps de s’installer. Le livre doit déjà se refermer.
Il est décidément compliqué de faire le portrait de Brautigan.

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