Elsa Sahal
Pole Dance
Elsa Sahal continue de défier les limites de la céramique. Avec «Pole Dance», elle donne à voir des sculptures de corps dansants et morcelés, s’affranchissant au sens propre et figuré, des lois de la gravité.
On connaissait le goût de l’artiste pour la métonymie du corps: au lieu de sculpter une femme dans son ensemble, dans son tout, elle l’évoque par des extraits, cuisse-sein-pied, qui sont contigus, choisis et déplacés. On se souvient de la série de «nus couchés» qu’Elsa Sahal avait présentés à l’Hôtel Dieu pour le Festival International d’art de Toulouse au printemps dernier.
Ici encore, leur esprit burlesque déjoue les codes préétablis de l’identité sexuelle. Pour «Pole Dance», ce qui l’a inspirée, c’est la possibilité offerte de verticaliser ces nus couchés, d’affranchir la céramique de son socle, de la présenter sans rapport au sol, «sans dessus dessous». Ou si justement… on peut voir par en dessous.
A cette matière qui comme le corps humain doit lutter pour s’ériger, ne pas s’affaisser, à cette chair rose et molle, Elsa Sahal offre une barre de Pole Dance, elle lui promet une émancipation torride. A l’instar des sculptures de danseuses de Degas et des codes de la sculpture classique, la barre verticale de soutien devient un élément à part entière de la sculpture: une armature érotisée, promesse de légèreté.
C’est aussi ce dont il est question avec les Danseuses. Toutefois le rapport d’échelle change: elle essaye de faire petit. Mais finalement, comme tout y est, potentiellement elles aussi pourraient devenir immenses. A la couleur rose tendre, lisse et uniforme rehaussée de lustre platine sur les tétons de la première série, répondent ici des émaux de grès craquelés, aux cristaux apparaissant comme du lichen, vivants et profonds, aux différentes nuances de verts. Ils apportent une dimension organique, riche d’évocations.
Pour la série des Cygnes, s’agit-il de longs cous rentrés dans les ailes? Ou plutôt des phallus, des formes abstraites qui jouent le plein et le vide? Cette liberté de métaphore visuelle nous enchante: corps dansants de Matisse ou Picasso, racines d’arbres d’Angkor, petites déesses tantriques de l’art khmer, chacun est libre de ses pensées associatives. Elsa Sahal nous invite avec légèreté à une sensualité toujours renouvelée, chemin vers une présence au monde.