Marc H. Peverelli
Polacoi?
Un voyage au fil de l’eau et avec les éléments, un voyage au cours du temps, un parcours de mémoire, sous-tendu par l’idée de transformation, d’usure, de disparition. Cette tentation de fixer le temps, inhérente à l’approche du photographe qui toujours se trouve confronté à l’instant, Marc H. Peverelli la malmène, comme il l’a du reste toujours fait, en lui octroyant le statut de trace. Et cette fois, la trace est livrée aux éléments et à la durée, laissant le champ ouvert au vieillissement, à l’effacement, à la perte totale. Il nous avait habitué jusqu’alors à un travail très chargé symboliquement, induisant la recherche de nombreuses clefs. Sa pudeur légendaire, non dénuée d’une certaine malice, faisait en sorte qu’on ne les trouve pas facilement, à défaut de le connaître un peu.
Cette fois-ci, l’approche est beaucoup plus pudique et son travail est intimement lié à sa propre mémoire d’homme, en tant que maillon d’une chaîne. Il nous convie à un parcours de rencontre de lieux de mémoire familiale, évoqués avec une touche impressionniste, à caractère éphémère. Il offre au regard une image ou plusieurs, en grand format, des éléments recueillis sur place, démarche d’archéologue, et des traces en cours d’évolution.
Ce voyage, il ne l’a pas toujours effectué seul: sa famille se joint à lui pour une échappée-mémoire en mer, et sa fille, S-A, l’accompagnera de manière informelle, ici ou là , apportant un témoignage filmé spontanément, illustrant la démarche de Marc H. Peverelli. Ce fleuve, le Rhône, et la mer sont porteurs de tous les liens qui l’unissent avec l’élément eau au cours de son existence. Je ne vous donnerai pas les clefs de lecture: elles lui appartiennent en propre, mais libre à vous de lui demander de vous les prêter, et peut être…
Toutefois l’atmosphère dégagée par ce travail invite aisément chacun d’entre nous, s’il le désire, à s’embarquer dans son propre chemin de mémoire. Il y a là une dimension universelle, une porte ouverte à l’introspection et à la réflexion sur ce que nous sommes, sur notre rapport à l’espace et au temps, sur la fuite et l’illusion du réel au sens d’Héraclite: «On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve…»