Dove Allouche
Point Triple
Enigmes pour l’œil, pénombres vertigineuses impossibles à reproduire par l’impression, les œuvres de Dove Allouche jouent de techniques et d’images venues de la photographie.
Elles délaissent encre et mine de plomb au profit de poudres métalliques, de noir de fumée et d’éthanol, ou encore même de poudre d’argent qui voue certaines de ses œuvres à l’inexorable assombrissement et au mystère.
«Il y a deux ans j’achetais une boîte contenant neuf photographies stéréoscopiques sur plaque de verre. J’ignorais les sujets de ces images: des scènes de la Première Guerre mondiale. Parmi ces vues de champs de bataille, assauts et charniers… s’en trouvait une qui attira mon attention: un double éclair striant la nuit noire. Ce fut le point de départ d’un nouvel ensemble de dessins de grands formats.»
Le Diamant d’une étoile a rayé le fond du ciel, premier dessin de cette dernière série à la mine de plomb, représente un orage au-dessus d’une forêt de sapins. Les deux vues stéréoscopiques sont placées côte à côte sur une feuille, présentant la même vue légèrement décalée.
Photographe, graveur, dessinateur, Dove Allouche produit des images énigmatiques, mise en abyme de la photographie par le dessin. Ambrotypes, plaques stéréoscopiques, physotautypes, héliogravures… l’artiste réactive les expériences photographiques oubliées, ratées, abandonnées pour créer une image-objet, savant mélange de temps et de matière. Le sujet se substitue au matériau employé.
Déversoirs d’orages, photographies prises dans le réseau égoutier de Paris, fait appel à l’héliogravure, procédé d’impression en creux.
L’utilisation de poudre d’argent diluée à l’alcool pour les deux Frayures — images de fusées éclairantes précédant les assauts nocturnes — implique une lente disparition du dessin dans le temps, par oxydation.
Pour Man, child and two women, le plus grand dessin de l’exposition et également le plus figuratif, représentant le plus explicitement la mort, les propriétés du zinc entraîneront le blanchiment de l’œuvre jusqu’à effacement complet.
En fusionnant ainsi le sujet et la matière, Dove Allouche confère une forte dimension poétique à son œuvre. L’image offre une lecture sur plusieurs niveaux qui mène presqu’invariablement à la notion de perte.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue, sous la direction de Jonas Storsve, conservateur du Cabinet d’art graphique et commissaire de l’exposition, coédition Les Éditions Dilecta et les Éditions du Centre Pompidou, qui reproduit les œuvres de l’exposition et propose notamment un texte d’Éric de Chassey.
Vernissage
Mercredi 26 juin 2013
critique
Point Triple