Depuis la rue, on perçoit au travers de la vaste vitrine de la galerie Chez Valentin une grande sculpture laquée rouge représentant de façon abstraite une femme avec sac à main… A l’intérieur, deux grandes salles, deux typologies d’œuvres, mais un même regard.
Sur les murs de la première salle, courent de nombreux collages de petit format tels une véritable frise. Au centre se dresse une sculpture troublante a priori abstraite mais avec un élément concret / symbolique: le sac à main. En s’approchant des collages, on est confronté à une aporie de sens. Que signifient-ils? En les examinant avec soin, peu à peu des liens se créent. Les collages sont des combinaisons de photos de mode et de magazines féminins, de tableaux de maître (Matisse par exemple) et d’images pornographiques. Par delà les collages, une image fantôme centrale se dégage, celle d’un corps qui habiterait la sculpture. Ces formes abstraites — des tubes — sur la sculpture pourpre représentent en fait une femme tenant sur son coude un sac à main, objet fétiche par excellence.
Dans la seconde salle, plus aérienne, sont présentés quelques collages supplémentaires, un bal de sculptures semblables à celle de la salle précédente, ainsi que deux glass painting — des peintures faites à même le verre et disposées sur une plaque de métal.
Un dialogue entre peinture et sculpture, fondé sur des couleurs et formes analogues, fait signe vers l’époque révolue de l’art moderne. Si les peintures renvoient à l’abstraction lyrique de Hans Hartung, elles peuvent être aussi rapprochées des planches de test inventées par le psychiatre suisse Hermann Rorchach.
David Renggli offre au travers de ses œuvres un exemple convaincant de son jeu favori qui consiste à troubler et déjouer la compréhension. Au premier regard, un contraste se dégage entre l’aspect lisse et droit des sculptures métallisées composées de cylindres de couleurs chaudes et celui davantage agité, tumultueux des collages, mêlant un panache de teintes et de formes.
Les deux Å“uvres peintes abstraites tranchent par leur atmosphère joyeuse et enjouée: de grandes traces colorées s’étendent sur la plaque de verre. Mais au-delà de leur abstraction, les sculptures renvoient finalement à du réel, du vital avec des femmes-absentes, femmes-suggérées, des sculptures dans des positions tour à tour équivoques et séductrices… Et l’on retrouve là un des thèmes des collages de la première salle.
De fait, cette exposition est très révélatrice d’un artiste jouant ouvertement sur le détournement — du sens, des images —, le double, le faux et en fait, la subversion.
Publications
— Dorothea Strauss, Christoph Doswald, David Renggli Cage Writes Bird, Edition JRP/Ringier, 2007.
— Giovanni Carmine, Dukkannst mirauch Du sagen, Collections Cahiers d’Artistes 2006, Pro Helvetia / Edition Periferia, 2006.
— Emmanuel Posnic, David Renggli, Spagahetti, Paris-art.com, juin 2010.
— Samuele Menin, Brand new, interview with David Renggli, Flash Art, 2009, p. 80
Å’uvres
— David Renggli, Sans titre, 2012. Métal, peinture. 153 x 60 x 60 cm
— David Renggli, Sans titre, 2012. Métal, peinture. 163 x 40 x 40 cm
— David Renggli, You, can you recommend your psychiatrist?, 2012. Collages sur papiers. 41,5 x 31,5 cm / 37,5 x 31,5 cm
— David Renggli, I love you, 2012. Verre, aluminium, bois, peinture. 165 x 130 cm
— David Renggli, Vue d’ensemble de l’exposition Point of you, Galerie Chez Valentin, 2012
— David Renggli, Vue d’ensemble de l’exposition Point of you, Galerie Chez Valentin, 2012