ART | CRITIQUE

Point de vue

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Exposition double : balade placée sous le signe d’un fantastique pour la jeunesse, et, en sous-sol, réserve froide de statuaire. Jeu et ironie à l’adresse d’un art public boursouflé de grandiloquence.

Un iceberg–météorite est fiché dans la terre meuble d’un terrain vague parisien. Il fond au soleil, alors que sa partie souterraine se dissout dans les profondeurs sous-marines, qui font office de sous-sol, insoupçonné et terrifiant, de la capitale.
Des anguilles géantes y grouillent dans une eau saumâtre. Ailleurs, c’est à nouveau Jérémy, que l’on avait rencontré au CNP en 2002, petit poulpe devenu monstre marin, qui s’agite dans son aquarium rétro-éclairé. Sur une scène télescopique, deux lunes, ou les deux faces d’une même lune, dansent un ballet quelque peu timoré de la séduction, inlassablement relancé après chaque décharge répulsive.
Dans l’océan immobile des plaines mornes du Nord, c’est une île mystérieuse qui jaillit, puis sombre, sans laisser de trace.
On le voit, la balade concoctée par Simone Decker au Crédac, première exposition d’ampleur de l’artiste en France, est placée sous le signe d’un fantastique pour la jeunesse, dont les figures tutélaires seraient Jules Verne et Tintin. Le visiteur est d’ailleurs invité à se vautrer dans des amoncellements de boudins en tissus vivement colorés qui jonchent le parcours.
Un art ludique donc, qui ne se prend pas trop au sérieux, mais qui lance de petites piques ironiques à l’adresse d’un art public de commande, boursouflé de grandiloquence.

Le deuxième sous-sol est ainsi transformé en une réserve obscure, et anormalement froide, où est remisée la statuaire coutumière des espaces publics.
Personnages historiques, dieux antiques, bestiaire royal, Madone aux simplifications modernistes, accouplement ovoïde façon Henri Moore, arceaux d’acier mimant une esthétique industrielle, autant d’œuvres de commande, ancien et nouveau régime, réduites à l’état de spectres — sous forme de répliques en résine phosphorescente —, qui hanteraient les soubassements de l’art.
Assurément, tout est affaire de point de vue : capable de faire une montagne d’un caillou, et de mettre le visible sens dessus dessous pour imaginer ce qu’il occulte.

Simone Decker
— Lenka, Blaise, …, 2004. Tissu teint, mousse. Dimensions variables.
— Le va-et-vient du Mont Saint-Watou (Watou), 2000. Série de 11 diapositives.
— Jérémy (Bourges), 1999. Duratrans sur caisson lumineux. 125 x 195 x 15 cm.
— A Couple of Full Moons (New-York), 2003-2004. Installation, DVD. 8’40 en boucle.
— Recently in Arnhem (Arnhem, Sonsbeek), 2001. Impression jet d’encre sur PVC.
— Ghosts (Luxembourg), 2004. Rhena therm, résine, pigment phosphorescent.
— Ghost Winston, 2005. Photo.

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