Le trait commun des œuvres est l’apparent bricolage dont elles sont issues. Chez l’Allemande Myriam Holme, un drapeau, du papier, du verre servent de support à des taches tantôt vaporeuses tantôt denses posées à la craie, à l’acrylique ou à la laque. La surface peinte ne se suffit pas. Elle est suspendue à une baguette de bois ou à une tige de bambou placée à l’horizontale qui remplace le châssis et compose avec la surface un objet situé entre peinture et sculpture. Des fils, librement accrochés, allègent l’ensemble de leurs nœuds graciles.
La fragilité et la délicatesse caractérisent ces travaux dont les matériaux hétéroclites, toujours empruntés à un répertoire simple (fer, fil, bois), suggèrent l’équilibre précaire de la vie.
Indéniablement, on se situe ici dans la lignée de recherches entreprises dès les années 1950 dans le milieu de l’art informel, très actif en Allemagne, où l’emploi de matériaux hétérogènes visait à une humanisation de la peinture. On pense aussi à Support(s)/Surfaces(s) et à la déconstruction du tableau, mais avec ici l’apport d’un supplément d’âme incompatible avec les recherches propres au groupe.
L’Américain Gedi Sibony présente deux sculptures-installations composées de moquette et d’une planche de bois rectangulaire. Seuls la forme et les matériaux rappellent l’art minimal, car l’installation est elle aussi infiniment suggestive. La planche de bois évoque ainsi une porte dont seraient absents gonds et poignée. Posée dans l’espace vide, ornée de peinture en spray, elle ne se contente pas de sculpter l’espace alentours mais donne également accès à un lieu invisible dont la bande de moquette indique la direction.
Quant à l’allemande Skafte Kuhn, elle est en quête d’une harmonie des sphères avec d’aériennes sculptures, grappes de planètes ou polyèdres en suspension. Si l’on s’intéresse de près au matériau de ces dernières, on s’aperçoit qu’il s’agit de tissu pris à des tee-shirts imprimés à l’effigie de groupes de new-wave ou de rock punk d’il y a vingt ans (Joy Division, les Meteors).
Le matériau ne laisse cependant pas deviner son origine : la musique qu’il rappelle, non sans nostalgie, voit sa violence originelle sublimée dans la légèreté de l’œuvre achevée. Un long bâton de pèlerin, de taille surhumaine (à moins qu’il ne s’agisse d’un éclair pétrifié), recouvert de l’étoffe d’un tee-shirt des Cramps, tire un trait entre ciel et terre.
Kostis Velonis, enfin, propose des architectures miniatures fort intrigantes : une sorte de chalet posé sur des cylindres de bois, et deux grands soleils déployés de part et d’autre de tours plus petites ou plus grandes qu’eux. Ce sont des architectures dans lesquelles il est interdit de pénétrer — pas même des maisons de poupées, pas même l’univers grouillant du Little People de Charles Simonds. C’est avant tout, semble-t-il, le matériau qui prime, le bois brut de la grande tour, le bois poncé et peint du chalet. Il s’agit d’un monde possible mais encore clos, où, avant de l’investir, l’homme doit s’adonner à une rêverie matérielle.
Inattendue, légèrement hors du temps, une telle exposition invite à l’allègement, dans l’air et l’ombre fraîche de l’arrière-cour.
— Kostis Velonis, Day is Done. Nothing is Going To Harm Me, 2005. Bois, acrylique. 100 x 245 x 125 cm.
— Gedi Sibony, The World is Neither Not Nor, 2005. Bois, moquette, peinture en spray. Dimensions variables.
— Gedi Sibony, Chosen As Appropriate for These Circumstances, 2005. Bois, moquette, peinture en spray. 205 x 70 cm.
— Myriam Holme, Spät und Tief, 2005. Aluminium, bamboo, fil coloré, verre, acier, laque, acrylique, craie. 174 x 218 x 60 cm.
— Skafte Kuhn, Den Mond Beschwören Mit Verruchtem Zauber, 2005. Résine, tee-shirt. 300 x 50 x 6 cm.