Au centre de la salle, un cube blanc sonore, ici et là des pièces lumineuses, des images fixes ou en mouvement, d’autres supports de diffusion, des documents. Une dizaine de morceaux de musique se succèdent — dont Universal Traveller du groupe Air; Battle Zone de Fly Stylz ; Last Goodby de Jeff Buckley ou encore les Rolling Stones ou Diz —, des airs qui ont marqué quatre étudiants en arts: Arlène, Kenza, Min et Floréal.
Présents l’an dernier au vernissage de la Biennale de Venise — après un workshop sur le temps professionnel de l’art conduit par le critique Nikola Jankovic —, ils présentent quatre installations différentes, fruits de leur regard rétrospectif sur cette expérience.
Podium(s) est la dernière proposition du Bureau d’Hypothèses. Et clore quatre ans de réflexion sur les limites du processus d’exposition à l’université — et ailleurs —, les espaces, le temps de l’art et leur diffusion, c’est accueillir la réponse de jeunes gens engagés dans des voies artistiques. Podium (s) tient à la fois du blog et de l’investissement d’un lieu physique par quatre personnalités différentes, tous quatre nés en 1982.
Bref, il est question de montrer que les relations de pièce à pièce passent par des choix délicats, des coexistences modifiables mais aussi des liens qui n’entament pas l’autonomie de l’intention et du propos.
D’entrée de jeu, Floréal Roig, le «banlieusard», propose sa version de Venise: l’affaire Pinault, moderne chancelier Rolin; les références à l’art ancien, le commerce culturel («Venise la Marchande, la ville des pigeons et autres pigeonnades» dit-il).
Floréal a disposé sur les plinthes des murs six tableaux kitsch, dont un plus grand. On retrouve le même collage numérique en couleurs, format carte postale, éclairé par un fragile système électrique: une petite Artémis manga surgit de la reproduction de La Vierge au chancelier Rolin, la célèbre peinture de Van Eyck.
Sur un socle, un caddie doré rempli de ces images fait le lien. Mettre en scène des pièces en revient souvent à explorer les parties invisibles d’un lieu, quitte à découvrir la valeur des cache-misère. C’est hors des murs de la Biennale 2005 que Floréal regarde le tourisme le plus banal.
Kenza Essaâdani présente pour sa part sa rencontre avec elle-même dans une Venise qu’elle découvre pour la première fois. Venise, dont l’histoire, l’architecture et l’art rappellent sans cesse les liens étroits avec l’Orient. Kenza montre une vidéo où elle parle ses deux langues, le marocain et le français. Très simplement. «À Venise, lors de ce déplacement de territoire, j’attendais un choc artistique, alors que ce choc devait se produire autrement en moi». Loin de l’agitation de l’exposition internationale.
Avec Please Follow Me (une minute en boucle), c’est-à -dire un socle blanc, deux écouteurs qui permettent de jouer aussi avec les circulations de la salle, et des photocopies de son texte, Arlène Berceliot répond à la Suite vénitienne de Sophie Calle (janvier 1980).
Elle recherche les errances de l’artiste et se trouve confrontée aux aléas de la fiction : Sophie Calle est-elle bien allée dans cet hôtel qui le nie? Impasses, reflets, attentes, le parcours vénitien d’Arlène montre avec humour que toute démarche artistique peut (doit) échapper à ses enquêteurs pour ouvrir d’autres voies. Là encore, histoire de désir et désir d’histoires se complètent indéfiniment.
Enfin, Min Kwak a disposé sur un socle blanc et tout autour des transparents A4 reproduisant des documents «impersonnels» distribués dans la biennale. Elle montre brouillage, dispersion et émotion. Pour elle, cette première fois à Venise est ici restituée comme un parcours mental, la synthèse entre réalité et fantasme. Sur le mur blanc, le visiteur aperçoit des petites photographies, des reflets lumineux créés par un projecteur placé à distance, qui sont le souvenir d’instants éphémères et secrets.
Regards différents, presque croisés, en tout cas volontairement déplacés, tels sont ceux d’une invitation au voyage pour ceux qui reviendront peut-être un jour à Venise.
Arlène Berceliot, Please Follow Me, 2006. 1 min en boucle. Mini-disque et écouteurs ; projecteur ; socle bois peint blanc. 80 x 128 x15 cm.
Min Kwak, Rencontre, 2006. 6 photographies noir & blanc. 3,5 x 5 cm. Projecteur; impressions sur une centaine de transparents A4; socle en bois peint blanc. 80 x 128 x 15 cm.
Floréal Roig, Artémis au chancelier Pinault, 2005. 5 tableaux lumineux 18,5 x 21 cm. 5 photographies 10 x 15 cm (une photo par tableau). Un tableau lumineux 32 x 36 cm avec 1 photographie 20 x 30 cm . 5 boîtes en carton 19,5 x 22 cm. 1 photographie 10 x 15 cm par boîte; 1 boîte en carton 33 x 40 cm, 1 photographie 26,5 x 21 cm. Un caddie doré. 50 photographies 10 x 15 cm et 100 photocopies. Un socle bois peint blanc 80 x 128 x 15 cm.
Kenza Essaâdani
— INTER__FACE, 2005. Vidéo, 3 min; écran plat; vidéo projecteur; 2 casques; socle bois peint blanc vertical. 128 x 80 x15 cm.
— Playlist, 2006. Cube bois peint blanc, 45 x 45 x 45 cm.