Communiqué de presse
Emmanuel Lagarrigue
Plus rien ne nous appartient
«Tout commence par un bruissement.
Les chuchotis d’une conversation à laquelle on n’est pas invité. La bande-son d’un film que l’on ne saurait voir. Les mots suintent, sourdent, glissent, fuient, claquent, vibrionnent, chantent. Mais ils restent inaccessibles.
Sons chargés de tous les sens imaginables, libres émissaires, abstraction. C’est avant tout une sensation de langage que nous livrent les installations sonores d’Emmanuel Lagarrigue.
Avec leurs mille et minuscules haut-parleurs, épinglés en l’air, elles n’offrent qu’un brouhaha à qui n’ose s’y confronter. Qu’elles semblent élégants animaux aquatiques, myriade d’insectes, paquets d’algues technologiques, pluie de grêle obscure, objet minimal comme un trou noir, c’est d’abord leur allure qui confond.
Mais il faut savoir s’en approcher, oublier leur élégance en payant doucement de sa personne pour s’y frayer, pénétrer leur mystère. Alors les mots s’arrondissent et se déterminent, les phrases se construisent, une syntaxe s’établit, même floue.
On n’est plus étranger, mais plongé en un labyrinthe de conscience en flux. Un nœud de monologues ou dialogues sans cesse désajustés. Lieu ou les mémoires s’assoient ou s’évanouissent: à chaque voix revient son intimité, sa personnalité. Et pourtant demeure cette sensation de concerto où toutes se confondent.
Au moindre mouvement du visiteur, c’est un nouvel instrument qui prend le relais, et la partition se recompose. Verbal, spatiale, cette musique pénètre alors les esprits pour y aborder des rivages insoupçonnés.
Elle réveille des souvenirs anciens, atteint les tréfonds de l’inconscient. Ici, on parle comme on rêve: en un balbutiement symphonique, en s’accrochant à un simple mot qui cristallise tout, en laissant s’exprimer ce qui ne devrait pas s’exprimer.
Explorant depuis une dizaine d’années l’univers de l’installation sonore et de la vidéo, ce jeune artiste français propose à chacune de ses expositions d’aller plus loin au fond de soi même, d’explorer plus avant ce lien mystérieux qui nous attache à autrui. Ce lien où tout se joue, insaisissable par les romans ou les images. Les sons grouillent comme grouillent en nous toutes ces formes infimes qui nous constituent et nous attachent aux autres. Ils sont comme des molécules, qui s’attachent et se détachent (…)»
Emmanuelle Lequeux, extrait du catalogue Emmanuel Lagarrigue In others worlds we would have seen in love.