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Plus j’embrasse, plus j’aime embrasser

Miss Marion sait bien que le désir est délétère et qu’il exhorte les femmes à se construire des beautés surfaites qui noient jusqu’à leur identité. Car aliénants et sacrés sont les arcanes de la féminité.

L’univers de Miss Marion, multi-référentiel, évoque le glamour des années 50. Au sous-sol de la galerie, une vidéo ambiguë: How Does It Feel To Be A Sex Symbol?
Scindé en plusieurs parties, un écran revivifie quelques icônes cinématographiques. L’on y retrouve ainsi, pieds nus, échevelées, sauvages, frondeuses, les égéries dansantes de La Dolce Vita, Et Dieu créa la femme, The Barefoot Contessa, entre autres. En fond sonore et en boucle, des témoignages de stars hollywoodiennes, répétitions lancinantes du cri non entendu, ternissent le vernis glacé des féminités fabriquées. Les voix s’élèvent contre leur statut d’objet de désir, telle Veronica Lake: «I wasn’t a sex symbol, I was a sex zombie». Sévère disjonction de l’image fantasmatique avec les paroles en couperet. Alors, transes libertaires ou parades nuptiales?

La série photographique Los Angeles révèle une Miss Marion qui, s’emparant du flou reconnaissable entre tous de l’appareil photo Diana, se met en scène dans les rues de la ville angélique.
Image filmique, vaporeuse, indécise, qui laisse les contours s’évaporer et s’obscurcir, tel un fantasme enfoui. En bikini rouge sur la plage ou nonchalamment adossée aux voitures rutilantes, elle campe une pin-up, au sens littéral du terme. «Épinglée» sur le mur des fantasmes masculins.

Reposent sur une commode plusieurs miroirs de poche, dont la multitude rappelle l’obsession du paraître: Miroir, mon beau miroir. Une minuscule vidéo, précieuse, montre le visage d’une femme qui se teinte les lèvres d’incarnat, geste d’une féminité accomplie et consensuelle.

Faisant face au meuble de toutes les vanités, plusieurs moniteurs exhibent la même vidéo, entêtante: Accès interdit. Des jambes féminines se balancent doucement, perchées sur des escarpins écarlates. Des mains, les ongles carmin, caressent tendrement les bas noirs de la créature. Doux et plaisant, le tableau mouvant met toutefois mal à l’aise, dévoilant un onanisme trouble. Celui de la femme qui contemple sa propre représentation, s’y complait, s’enivre de son propre corps. L’air de «Dis moi quelque chose de gentil» résonne, ici susurré par Solange Berry.

Des images au mur, dans des teintes blanches et violacées, mettent quasi à nu les lieux interdits de ces dames. Résolument érotiques, les rotondités gainées de soie affriolent le regard. Des appas qu’elles décident de mettre en valeur… Mais le focus est cruel, réduisant ces femmes à cette seule partie de leur anatomie.

À quel point les femmes intègrent-elles et apprennent-elles à aimer les représentations que les fantasmes des autres construisent? Ce sont ces carcans que Miss Marion questionne, en prenant le parti de la vulnérabilité et de la douceur.

Liste des œuvres
— Miss Marion, Série Los Angeles, 2010. Photo argentique
— Miss Marion, Série The Seam, 2010. Tirage numérique
— Miss Marion, Accès interdit, 2010. Vidéo. 4 min 25 sec
— Miss Marion, Miroir, mon beau miroir, 2010. Installation vidéo. 4 min 09 sec
— Miss Marion, How Does It Feel To Be A Sex Symbol, 2010. Installation vidéo. 5 min 40 sec
— Miss Marion, Collages, 2008. Technique mixte.

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