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Pliage cosmique

Depuis ses relevés cartographiques à l’insondable virginité, ses plans d’île bien réelle mais oubliée au bout des océans, David Renaud a tendance à faire fuir le paysage vers l’invisible. Chez lui, ce n’est pas tellement la nature qui est abandonnée au silence. C’est l’être humain et sa compréhension de la nature. Lorsqu’il suit le parcours d’un navigateur du Vendée Globe, il colle bout à bout des cartes imperturbablement bleues. David Renaud déniche de la poésie abstraite là où par essence elle n’existe pas.

Car après tout, pourquoi ne pas faire de ces cartes le décor d’une autre narration? Et opposer à l’empilement d’informations techniques, le vide propice à l’emballement du désir d’ailleurs?
A s’ouvrir à la cartographie de l’artiste, on se verrait presque emboîter le pas des Hemingway, London ou Cendrars, infatigables raconteurs d’explorations impossibles. Et même plus loin, en parcourant son exposition chez Anne Barrault, on pourrait s’envisager un destin à la Jules Verne.

Pourquoi? Parce qu’il y glisse les ingrédients des superlatifs de la science-fiction romantique. La tour-vaisseau, les ciels étoilés, les déserts inhabités. Les couleurs scintillantes, les perspectives infinies, les dimensions vertigineuses. Tout un vocabulaire propre à la typologie extra-terrienne que Renaud se plaît à reprendre et même à corrompre. Car si son «pliage cosmique» résonne comme «paysage cosmique», ce qu’il est assurément, il voisine aussi avec l’idée de bricolage.
Plier le cosmos, c’est le ranger comme on le ferait d’une carte justement. Plier puis redéplier et redécouvrir le miracle d’un monde que l’on embrasse des yeux. L’univers en travaux pratiques. L’immensément grand façonné entre les mains enfantines de l’artiste.

Il y a, dans ses peintures, une bonne part de cette omniscience, entre le ludique et une forme de naïveté ésotérique totalement assumée. Ses paysages situent le regard depuis la planète à explorer. Là-haut, dans le vide sidérale, les majestueuses étoiles scintillantes.
En bas, un sol qui déroule ses plis, lui aussi, pour gagner en profondeur jusqu’au point d’horizon. On pense aux images de l’exploration lunaire ou bien à celles plus récentes envoyées depuis les sondes martiennes. Sans plus de filiation. Parce qu’ici, pas d’effet de manche, pas de réalisme forcé: David Renaud suspend les motifs avant qu’ils se répandent à la surface des tableaux.

Même amusement, même candeur devant ces deux tours, sorte de constructions futuristes fantasmées et allégorie de l’urbanité telle que le cinéma, la bande dessinée et la littérature d’anticipation nous l’ont représentées. Ces verticales conquérantes, unique témoignage de l’humain ici, répondent aux horizontales arides et à la rondeur des astres. Comme un contrepoint dont la pointe fixerait la limite du monde connu. Au-delà, les fantasmes et l’abstraction des grands espaces.

La cartographie cosmique «subjective» de David Renaud situe ses frontières chez l’enfant et l’explorateur qui sommeillent en chacun de nous. Elle pose surtout la question suivante: y a-t-il encore une place pour l’utopie dans les «plis» de la démonstration scientifique?

Liste des œuvres
One Night On Earth, 2005. Acrylique sur bois. 130 x 130 cm
Negative Day On Mercury, 2004. Acrylique sur bois. 130 x 390 cm
Sans titre (psychorelief), 2009. Acrylique sur bois. 75 cm de diamètre
The Sentinel (d’après Chris Foss), 2009. Technique mixte, machine à fumer. 195 cm de hauteur x 140 cm de diamètre
The Guardian, 2009. Technique mixte. 280 cm de hauteur x 152 cm de diamètre.

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