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Playlist

De l‘appropriation en art. Référence, modèle, citation, copie, relecture, sont à la source même de l’œuvre d’art contemporaine. Un long essai de Nicolas Bourriaud, commissaire de l’exposition, contextualise ce phénomène d’"import-export des formes", né de la mondialisation galopante et du développement des réseaux (internet, câble, satellite…).

— Éditeurs : Palais de Tokyo, Paris / Cercle d’art, Paris
— Année : 2004
— Format : 19,50 x 25 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 220
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-7022-0736-7
— Prix : 27 €
Lire l’article sur l’exposition « Playlist » au Palais de Tokyo

Playlist, le collectivisme artistique et la production de parcours
par Nicolas Bourriaud (extrait, p. 11-12)

« Playlist » n’est pas une exposition thématique — si elle devait avoir un thème, ce serait l’art contemporain lui-même. Que les artistes réunis dans cette exposition présentent un certain nombre de traits communs est certes indéniable, mais on ne les trouvera pas sous la forme d’une thématique, d’une technique ou d’une source visuelle particulière, encore moins celle d’une « identité » partagée. Les artistes fabriquent leurs papiers d’identité — quant aux autres, au mieux, ils ou elles sont d’habiles communicateurs de leur « culture » ou de leurs particularismes sexuels, nationaux ou psychologiques. Non, ce qui permet d’agréger au sein d’un même lieu des artistes poursuivant des buts et employant des méthodes si hétérogènes, c’est le fait qu’ils travaillent à partir d’une similaire intuition de l’espace mental contemporain ; qu’ils perçoivent la culture de ce début du vingt-et-unième siècle comme un champ chaotique infini dont l’artiste serait le navigateur par excellence. Tous et toutes arpentent le paysage effondré du modernisme du siècle passé, constatent le relâchement des tensions qui voûtaient son architecture, prennent acte de la disparition des anciennes figures du savoir.

Avec des moyens divers, ils ou elles tentent de produire des Å“uvres qui s’accordent à ce nouvel environnement, tout en révélant les figures et les matériaux à nos conscience encore modelées par l’ordre d’hier. Si on ne peut qu’esquisser la topologie de ce nouveau paysage mental, qui apparat « gazeux » au regard du myope, on connaît en revanche la nature des ruines sur lesquelles il repose. Depuis le seizième siècle et l’avènement des Temps Modernes, la propagation du savoir et son accumulation imprimaient à la culture sa forme et son mouvement. Expansion horizontale à travers les voyages de découvertes ; invention des « humanités » et du bagage de connaissances de « l’honnête homme » lancé à l’assaut de la verticalité des bibliothèques… L’invention de l’imprimerie (1440-1450) va de pair avec l’apparition d’une nouvelle figure du savoir, l’érudit, incarné par Pic de la Mirandole, Léonard de Vinci ou « l’abîme de science » que devait devenir le géant rabelaisien.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Palais de Tokyo)

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