Dans la salle principale du rez-de-chaussée de la galerie, un mur entier est tapissé par les trente-deux portraits d’elle que Hsia Fei Chang a fait réaliser par des peintres de la place du Tertre.
Deux cas de figure se présentent: soit le visiteur est «innocent», soit il est averti. Le visiteur «innocent» n’aurait pas connaissance de la démarche de l’artiste. Il ignorerait donc que c’est elle, et elle seule, qui a servi de modèle pour ces trente-deux portraits. La similitude relative entre certains d’entre eux, du fait notamment des tenues vestimentaires qui se répètent, le ferait cependant bien vite penser qu’il s’agit en effet de la représentation d’une seule et même personne, en l’occurrence d’une femme, ce qui ne fait ici aucun doute.
Reste toutefois une inconnue de taille: à quoi ressemble cette femme ? En effet, en l’absence de référent, puisque que nulle photographie de l’artiste n’est ici présentée, le visiteur n’est alors pas en mesure de donner son point de vue quant à la ressemblance de ces mêmes portraits avec leur modèle. Et ils s’avèrent décidément trop différents les uns des autres pour pouvoir réaliser une sorte de portrait-robot mental de ce dernier, et a fortiori de l’artiste.
Le visiteur averti lui, au fait non seulement de la démarche de l’artiste mais aussi et surtout de son visage, pourrait s’improviser critique d’art et sélectionner les bons et les mauvais portraits, voire, les bons et les mauvais artistes…
A travers cet exercice, Hsia Fei Chang procède à une mise en abyme de l’artiste et de l’œuvre d’art. Elle expose — et s’expose — en les assemblant, des œuvres réalisées par d’autres. Elle même d’origine étrangère, Hsia Fei Chang joue le jeu et cède aux clichés les plus tenaces.
Le recours à des compétences extérieures est récurrent chez cette jeune artiste qui brouille ainsi la notion d’auteur. Précédemment, elle a fait publier in extenso le journal intime d’une ancienne collègue de travail (La Biographie de Sandra, Onestar Press, 2004), invité un groupe de Hard Rock à participer à l’une de ses expositions au Casino Luxembourg. Elle a aussi réalisé des performances qui revêtent l’allure de véritables séances de karaoké au cours desquelles elle interprète des tubes de Dalida, Kylie Minogue ou AC/DC…
Dans cette exposition, Hsia Fei Chang montre également une vidéo diffusée en boucle (5’), Maya Andrezezejewski (2006), dans laquelle on voit une fillette jouer un morceau de violon à Gdansk, en Pologne.
Suspendue, une photographie grand format tirée de la performance du même nom réalisée en 2003 par Hsia Fei Chang, dans laquelle elle se fait suspendre par une grue, est également présentée chez Laurent Godin.
Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt
Hsia Fei Chang :
— Place du Tertre, Montmartre, 2006. 32 dessins et peintures.
— Suspendue, 2001. Photographie couleur. 150 x 104 cm.
— Maya Andrezezejewski, 2006. Vidéo. 5 mn.