ART

Pioneers’ Association

PNicolas Villodre
@23 Mar 2009

Le peintre Andrew Lewis a eu l’idée saugrenue d’associer l’épopée des Américains de la grande conquête de l’ouest, avec leurs grands chariots bâchés, à l’exploration de l’espace, imaginée par Jules Verne et Méliès mais réalisée par l’Union soviétique à la fin des années cinquante.

Andrew Lewis rapproche les pionniers de l’Ouest américain de ceux qui ont conquis l’espace, du moins symboliquement, en remportant le défi stratégique lancé par le savant soviétique Sergueï Korolev et la petite chienne Laïka en 1957, relancé spectaculairement par Youri Gagarine en 1961. On croyait ce débat clos depuis que Neil Armstrong avait posé ses gambettes sur l’astre nocturne, en 1969…

Partant des clichés retraçant l’épopée des «trailblazers» américains ayant montré le chemin de la grande randonnée westernienne en parcourant les longues distances à bord de leurs grands chariots bâchés, le peintre Andrew Lewis a eu l’idée saugrenue d’associer cette aventure, expédition ou odyssée originelle, à celle de l’exploration de l’espace, imaginée par Jules Verne et Méliès mais réalisée par l’Union soviétique à la fin des années cinquante.

Du coup, des composites bizarres, associant des ustensiles premiers à des gadgets contemporains — panneaux photovoltaïques, lems d’atterrissage ou d’alunissage, cubes en briques de verre, etc. — servent de mobilier ou de fond de décor aux saynètes qui nous sont présentées sur le mode mineur et pas très glorieux d’un art naïf, populaire, à la maladresse assumée mais aux teintes un peu éteintes, ternes, pour ne pas dire terreuses.

L’univers du peintre se rapproche de celui de la science fiction. Les scènes se suivent et se ressemblent. Elles ont quelque chose d’inquiétant, à la longue, in fine, à force de paraître se dérouler sans les moindres problème, souci ou anicroche. Tout le monde, noirs et blancs, cohabite paisiblement. Tout le monde, noirs et blancs, il est beau, tout le monde, il est gentil.

Les conquérants paraissent plus étranges que les Martiens eux-mêmes. La vie quotidienne est détaillée, ponctuée de tâches rituelles, de travaux divers, d’études tout ce qu’il y a de plus sérieuses et aussi de loisirs.
Les campements de fortune et les aires de repos sont édéniques. Tout cela est trop beau pour être vrai.

Les petites huiles sur bois qui concluent l’exposition composent une série que certains ont rapprochée des scènes de genre du XIXe siècle. Elles n’ont en commun avec les toiles de la première salle que le thème de l’exploration, au sens le plus large du terme.

La série autour de Vénus et Apollon, personnages divins incarnés par deux enfants contemplant un objet décoratif, se réfère autant aux mythes grecs qu’à la mission du programme de la Nasa ayant, comme par hasard, pour nom de code Apolo. On y découvre Jeanne l’Apollonienne dessinant des spirales au tableau noir, des Russes apolloniennes posant devant le schéma d’une église orthodoxe aux rondeurs byzantines, un véhicule genre Méhari de la Poype avançant dans le désert, une fourgonnette de la Nasa garée quelque part, etc.

— Ennui et émerveillement présente des carrioles du 19e siècle sur lesquelles on a fixé des panneaux solaires, dans un paysage brun, cendreux, poussiéreux.
— L’Avenir sera banal cadre en gros plan des personnages, au contraire, radieux, souriant à l’appareil photo, au peintre ou au spectateur.
— Tenant une lanterne à la main montre une jeune fille un peu grassouillette, de dos, allongée plus ou moins dans la position de la maja goyesque.
— Hoedown présente un premier point de vue sur le campement, avec des lampions accrochés entre deux chariots, des jeunes filles, le sourire au lèvre, et une capsule lunaire au milieu de tout ce beau monde.
— Félicité est un titre hyperbolique désignant deux fillettes pique-niquant et prenant tranquillement le thé.
— Détecté montre des personnages en pleine activité de nettoyage ou de camouflage de la capsule spatiale.
— Modulaire donne une idée de ce que peut être la vie quotidienne à l’intérieur du module en question.
— Huit fois par semaine illustre les travaux d’entretien des panneaux en verre de l’engin spatial.

On est par conséquent loin de la Guerre des étoiles. Des Star Wars de Lucas comme de George Bush. L’univers de Andrew Lewis est assez différent de celui des Little Wars imaginé par son compatriote Herbert George Wells en 1913…

Andrew Lewis
— Les Russes Apolloniennes, 2009. Pastel et huile sur bois. 22 x 50 cm
— GMC, NASA rendez-vous, 2009. Pastel et huile sur bois. 22 x 49,5 cm
— Pas trop loin du mont Aleppo, 2009. Pastel et huile sur bois. 26,4 x 57,4 cm
— Tous héler le Zeus, 2009. Pastel et huile sur bois. 29,7 x 52 cm
— Détecté, 2009. Pastel et huile sur bois. 143 x 72 cm
— L’avenir sera banal, 2009. Pastel et huile sur bois. 140 x 82 cm
— Ennui et émerveillement, 2009. Pastel et huile sur bois. 120 x 120 cm
— Venus et Apollo, 2009. Pastel et huile sur bois. 27 x 45,2 cm
— Tenant une lanterne dans sa main, 2009. Pastel et huile sur bois. 60 x 147 cm

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