Michael Snow
Piano sculpture
Les oeuvres de Michael Snow couvrent presque tous les registres depuis une cinquantaine d’années: film, sculpture, photographie, peinture, vidéo, holographie, livres d’artiste, écrits, musique enregistrée, installation, concerts, mais au final ces appellations commodes ne sont pas réellement pertinentes au regard de son univers esthétique.
Reste que la grande diversité des productions, l’aspect protéiforme, les trouvailles plastiques, le constant renouvellement, la quête permanente de l’expérimentation laissent le récepteur toujours aussi étonné devant l’extrême attention au matériau utilisé et agréablement surpris par l’aisance des correspondances avec d’autres oeuvres. Alors que la première exposition à la galerie se concentrait sur la photographie et le film, cette seconde exposition met en scène la musique et le film, les petits textes qui accompagnent chaque oeuvre, rédigés par Snow, étant les indices de l’intérêt fondamental de l’artiste pour le texte et le langage.
Pianiste depuis de longues années et musicien depuis 1945, ayant pratiqué d’autres instruments, l’oeuvre pour piano de Michael Snow existe sous forme de CD et de concerts, solo ou en groupe (avec le CCMC), et se trouve rattachée, comme c’est ici le cas, à l’image filmique, mais aussi à la gestuelle ou à la plastique sonore.
En s’approchant des haut-parleurs, on pourra constater auditivement que les mains effleurent seulement le clavier sans frapper réellement les touches, alors que la vision de l’ensemble, alliée bien entendu à l’écoute, donne plutôt l’impression que chaque image est jouée, est sonorisée. Pièce sonore et musicale s’opposant à la vision filmique, parfois en la complétant, parfois en la dissociant, les parties ne correspondant pas toujours au tout sonore et visuel, c’est là une image possible du travail de Michael Snow consistant à intervenir sur les sensations, le perceptuel, les décalages optiques, tactiles et sonores, souligné par le titre de la pièce Piano Sculpture (2009), signalant que le piano est une forme sculpturale à travailler aussi comme une masse plastique.
Le film de restauration Serve, Deserve (2009) est une sorte de pendant top down d’un autre film culinaire, Breakfast (Table Top Dolly), 1972-1976, dans lequel on s’aperçoit seulement au bout d’un moment que le dispositif de filmage avance lentement et inexorablement vers le fond du mur, écrasant ainsi le déjeuner sur une table vue d’abord comme une nature morte, finalement très mouvante et vivante. Jouant également ici des vitesses et des lenteurs, tout dépend du moment où l’on arrive, serve ou deserve, Snow attire l’attention sur la mobilité et l’immobilité des images, des perceptions et des mots qui servent à la décrire.
Snow (2007), fut d’abord projeté une fois au Centre Pompidou lors d’un hommage à Thierry Kuntzel. Référence à Hiver, une partie des Quatre saisons de Kuntzel, laquelle était elle-même un écho à la mort de l’écrivain Robert Walser un soir de Noël dans la neige, outre qu’elle rappelle nombre d’oeuvres de Snow où la fenêtre et la vision à travers la fenêtre est le principal sujet, elle présente de manière sobre, anodine, banale, ce que l’on a du mal à exprimer lors de la perte d’un ami. Lieu d’une songerie mélancolique à la pensée d’un être cher disparu, cette fenêtre où l’on voit la neige tomber indéfiniment est ainsi signée par le silence même du nom de l’artiste: Snow.