Simon Norfolk, John Burke
Photographs from the War in Afghanistan
Les guerres d’Afghanistan, l’impérialisme anglais, la douceur des images, le respect porté sur un pays ravagé, sont autant de thèmes communs à l’œuvre de ces deux photographes façonnés par l’Afghanistan. Et pourtant, plus d’un siècle les sépare.
Beaucoup d’inconnus et de mystères environnent John Burke. Il nous reste des tirages réalisés entre 1878 et 1880 au cours de la seconde guerre anglo-afgane: des paysages, des champs de batailles, des portraits de groupes ethniques Afghans et d’individus, des photographies de campements militaires, des images de reportages… Mais, de lui nous ne savons pas grand chose. Aucun écrit, journal ou récit de voyage n’accompagne son œuvre, aucune photographie de lui ne nous permet de le situer.
Ses clichés fabriqués avec un lourd attirail photographique —des appareils en bois et des plaques de verre au collodion humide— sont d’une qualité exceptionnelle: précis dans les détails, émotionnels, lyriques et témoins d’une sensibilité, d’un travail lent et minutieux.
Fasciné par la force de l’œuvre de John Burke, Simon Norfolk part sur ses traces en Afghanistan. Il évolue dans son sillage, comme une ombre silencieuse qui suit son parcours. Il s’approprie son regard et ses lieux, ses points de vue photographiques et ses images. Le regard porté sur ce nouveau contexte de guerre est le même. Seul le point de vue diverge. Le photographe vit avec les gens. Il parcourt Kaboul, ses rues et ses quartiers, s’imprègne de la vie quotidienne, explore la ville au rythme des événements. Et, tel un journaliste à l’affût des réalités, il s’expose aux dangers.
Se faisant, Simon Norfolk instaure un dialogue. Un dialogue muet dans le temps, qui retrace l’histoire de l’Afghanistan et lève le voile sur la vérité. Celle d’une guerre. Celle d’une ville au visage abîmé, dévasté. Il souffle sur la poussière des années qui le sépare de John Burke, tel un archéologue en quête de réponses. S’appuyant sur la cartographie, Google Earth et les lignes immuables des photographies de John Burke, celles des montagnes et des paysages, Simon Norfolk photographie les traces du temps, marquées par les répercussions et conséquences destructives des guerres qui se suivent. Il reproduit des images et des situations contemporaines équivalentes aux photographies de John Burke et conçoit des mises en scène.
Ce sont des ruines à la fois fragiles et fières, des paysages éphémères, des portraits de soldats, des vues désolées et tristes, des architectures désossées et des images étonnantes à l’ambiance cinématographique.
«Ses images sont belles et expressives. Les couleurs douces et intenses. Les contrastes mélancoliques. Pour figer ses scènes, le photographe choisit l’aurore et le coucher du soleil dont émane une lumière bleutée qui confère une atmosphère nostalgique à son propos. L’esthétique sublimée de ses images sert son discours, dépasse le caractère scientifique de sa démarche et capte l’attention du public.
Sensible à la beauté des photographies, confronté à leur tristesse et douloureuse réalité, ce dernier prend conscience de leur sens, de la colère de l’artiste et de la brutalité infligée à un pays. Par le biais d’une vision romantique, Simon Norfolk dénonce l’impact des guerres afghanes et celui d’une histoire qui se répète; il critique le système de l’impérialisme et ses ravages sur le paysage afghan et son peuple.
Avec l’exposition «Photographs front the War in Afghanistan», il fabrique un reportage en prise avec l’homme et fige l’émergence d’une nouvelle ville fracturée, fragmentée tout en éveillant les consciences sur la fragilité, la force et l’ambiguïté des images.