L’artiste chinois a recouvert les murs et le sol de la galerie Laurent Godin de quelques 50 000 photographies, prises par lui-même et par des amis pendant un été de mitraillage intensif. Les images sont des captures urbaines, sans recherche esthétique et sans retouches. La bande-son qui accompagne la vidéo documentaire projetée, avec son rythme saccadé rappelle et imite le mitraillage de l’appareil photo.
Sur les murs sont esquissées des silhouettes de buildings, et au centre de l’espace sont disposées des piles de photos de différentes hauteurs figurant elles aussi des buildings. On pénètre ainsi à l’entrée de la galerie dans un modèle réduit de ville. Les photographies avec lesquelles est construit ce modèle réduit sont invisibles en elles-mêmes, seule leur accumulation est visible. Prises individuellement, elles ne réclament aucune attention, une image en vaut une autre et n’est que l’infime partie d’un tout. D’ailleurs les spectateurs piétinent les photos disposées sur le sol.
Le titre de l’exposition est trompeur, l’artiste nous présente bien ses photographies mais il les noie dans une masse tellement importante (que ne laissait en aucun cas présager le pluriel de « Photographs ») qu’il les rend invisibles, dans un jeu avec le terme «exposition». Il s’agit de montrer en sachant qu’il est impossible pour le spectateur de tout voir.
Puisque l’on ne s’attarde pas sur les photos elles-mêmes, Wang Du peut poser de manière directe la question de la place des images dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes entrés depuis quelques dizaines d’années, grâce aux progrès technologiques et à l’accélération des moyens de communication, dans «l’âge de l’image à l’échelle du monde», pour citer Heidegger. Ce qui est à prendre à considération désormais, ce n’est pas l’image en elle-même, c’est ce qu’on en fait et le cadre dans lequel elle s’insère.
L’exposition met en évidence le fait que l’image se trouve de nos jours dans une situation contradictoire : elle est à ce point omniprésente (d’autant plus que l’accès à la production d’images s’est largement démocratisé ces dernières années) et banalisée qu’elle est largement dépréciée mais elle reste malgré tout le média de la réalité, de la «vie originale» pour reprendre les mots Wang Du lui-même. La photographie reste quoi qu’il arrive une empreinte directe du réel.
Wang Du.
— Photographs, 2007. Pièce unique, photographies. Dimensions variables.