Stan Douglas
Photographies 2008-2013
Depuis la fin des années 80, Stan Douglas réalise films, photographies et installations qui réinterrogent certains lieux et évènements du passé. Il s’approprie les codes et les techniques existants dans le cinéma, la télévision ou la photographie de presse. L’exposition à Carré d’Art présente les séries de photographies produites entre 2008 et 2013.
Dans Midcentury Studio, Stan Douglas prend pour sujet les images de l’Amérique du Nord d’après guerre par l’intermédiaire de la figure d’un photojournaliste ayant travaillé entre 1945 et 1951. C’est la recréation d’un moment historique particulier avec une référence à l’optimisme de l’après-guerre mais aussi l’inscription de la photographie dans le champ des médias, du spectacle et du divertissement.
Il y questionne un des paradigmes du photojournalisme qui, dans la lignée de Weegee, met en avant l’infaillibilité de l’enregistrement photographique qui paradoxalement nous amène vers un surplus de réalité. William Henry Fox-Talbot évoquait déjà la magie de la photographie. Dans cette série composée de portraits mais aussi de scènes de genre, on découvre principalement des thèmes liés aux divertissements, à la magie, au sport ou au cirque avec en toile de fond l’émergence d’une sous-culture.
Avec Disco Angola, Stan Douglas a de nouveau recours à la figure d’un photojournaliste qui voyage entre New York et l’Angola dans les années 70. Il y dessine des parallèles entre le New York en pleine dépression des années 70 et les premiers mouvements de libération pour l’indépendance en Angola. Le langage du corps que ce soit dans la danse ou la capoeira est central pour exprimer ce désir de liberté. La musique disco est dans les clubs new yorkais un moyen d’échapper à une situation de crise et d’expérimenter une mixité sociale et raciale.
Dans Crowds and Riots, il explore la représentation d’évènements publics ayant eu lieu à Vancouver. Les photographies ont une dimension quasi cinématique et performative. Elles sont réalisées avec les moyens techniques de la production cinématographique et l’utilisation du montage numérique. Une des images les plus emblématiques rejoue la confrontation violente en 1971 entre la police municipale et des manifestants de la contre-culture qui manifestaient pacifiquement. Cette série, par la représentation de foules anonymes, révèle les tensions présentes dans les rapports de classes, l’aspiration à de nouvelles formes de vie publique et culturelle qui restent contestées par les pouvoirs en place.
Le retour vers le passé dans l’ensemble de ces séries photographiques est un moyen d’opérer une rupture dans l’immédiateté du présent pour porter un regard critique sur l’histoire. L’exposition permet de développer une réflexion sur les modalités techniques, esthétiques et politiques de la fabrication des images à différentes époques. La «fictionnalisation» complexe du réel, par un recours à la mise en scène, y apparaît comme un des moyens les plus pertinents pour appréhender le réel.