PHOTO | CRITIQUE

Photographies 1980-2005

PJessica Todd Harper
@12 Jan 2008

Le photographe italien Gabriele Basilico donne une image de la ville qui rend compte de sa permanence et de son mouvement, de son ordre et de son désordre, de son intérieur et de son extérieur.

Qu’est-ce qu’une ville ? Gabriele Basilico en donne une image qui rend compte tout à la fois de sa permanence et de son mouvement, de son ordre et de son désordre, de son intérieur et de son extérieur. Son questionnement porte sur les frontières, internes et externes, de la ville.

Le classement géographique et thématique des photographies présentées dans cette exposition – les grandes métropoles européennes et américaines, une série sur Beyrouth datant de 1991, quelques-uns des clichés réalisés dans le cadre de la mission de la Datar sur le littoral du nord de la France en 1984 et 1985, certaines vues de Naples extraites du projet Sezioni del Paesaggio Italiano de 1996 – peut être redistribué en un classement selon la prise de vue.

On peut distinguer alors trois catégories principales: les vues panoramiques ou «synoptiques» de paysages urbains; les vues de la ville à ses frontières, qu’elles soient naturelles – le littoral normand – ou urbaines – comme pour Paris, perçu par ses banlieues est et ouest, qui deviennent ainsi des objets photographiques; les vues de bâtiments précis et de leur architecture, toujours saisis à la fois dans leur unité d’ensemble et dans le lieu qu’ils contribuent à définir: rues adjacentes, carrefours, panneaux de direction, câbles des tramways.

Voir et faire voir la ville: c’est affaire de distance et de perspective. La ville semble une totalité, bien que nous ne puissions avoir l’expérience que de ses parties. Ainsi de Buenos Aires, prises deux fois depuis le toit d’un immeuble: ces images en montrent la densité à perte de vue – la ville sans frontière expérimentable – et l’aspect simultanément impénétrable – comment entre-t-on dans une grande ville? Où commence-t-elle? –. Lorsque la prise de vue est plus interne, Gabriele Basilico laisse pressentir le nombre incalculable des perspectives possibles, et souligne la tension entre l’un et le multiple, entre l’ordre et le désordre, comme dans la photographie de Monaco qui ouvre l’exposition: on peut repérer la répétition de structures formelles qui instaurent de l’ordre – les piliers de grues à intervalles réguliers, les séries finies de fenêtres identiques reproduites à chaque étage d’un même immeuble –; mais ces structures sont également un facteur de désordre pour le regard, d’une part parce que leur nombre est fini, d’autre part parce que la ville est traversée de rues et de routes qui la sectionnent tout en l’unifiant.

Les images de Gabriele Basilico ont cette propriété singulière d’être à la fois synthétiques et analytiques: elles montrent que l’expérience urbaine est l’expérience paradoxale d’un espace à la fois entier et fractionné.

Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt

Gabriele Basilico :
— Milan, 1980. Photo noir et blanc.
— Dieppe, 1985. Photo noir et blanc.
— Porto, 1995. Photo noir et blanc.
— Ault, 1985. Photo noir et blanc.
— Rome, 1989. Photo noir et blanc.
— Beyrouth, 1991. Photo noir et blanc.

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