L’exposition Photo-graphiK est un point de vue resserré sur l’œuvre de Roman Cieslewicz. Elle fait l’impasse sur les années polonaises de l’artiste qui s’installe en France en 1963, exclut les travaux strictement graphiques et typographiques et se concentre sur les œuvres qui incorporent des images photographiques.
Elle semble vouloir distinguer les œuvres de commande des travaux personnels ou «travaux d’atelier». Cela serait vain. L’état d’esprit, les techniques et le style de l’artiste changent au cours de sa carrière, mais il existe une grande unité entre les différentes productions d’une même période. Si bien qu’un accrochage plus franchement chronologique aurait même été plus pertinent.
Jusqu’au début des années 1970, que ce soit pour lui ou pour le magazine « Elle », Cieslewicz privilégie un traitement au trait caractérisé par des formes simplifiées réduites à des aplats noirs et blancs fortement contrastés. Il utilise des images de presse, une photocopieuse pour ses «collages répétitifs» qui reprennent une même vignette et des ciseaux pour ses «collages centrés» qui sont des images court-circuitées.
L’agencement sériel des collages répétitifs évoque bien sûr les grilles de Marilyn ou de Liz d’Andy Warhol. Elles sont ainsi l’expression de l’entrée dans la société de consommation et d’information où les images s’effacent à force d’être vues. Les collages centrés, par leur étrangeté et leur impact visuel, parviennent au contraire à arrêter le regard.
Les collages de la seconde moitié des années 1970 marquent une rupture avec les œuvres antérieures. L’artiste découvre la couleur, associe images de presse et reproductions de chefs-d’œuvre de la peinture et laisse libre cours à une imagination qui renoue avec les créations surréalistes d’un Max Ernst.
Ces collages sont poétiques et légers, plein d’humour et parfois érotiques, à l’instar des publicités pour les chaussures Charles Jourdan (1981-1982) : dans La passe, un énorme papillon se glisse entre les jambes d’une femme à la renverse.
Très vite, cependant, l’artiste entend se défaire des couleurs «trop jolies», comme si leur «séduction facile» dévoyait son discours qu’il veut plus militant. A l’instar de Barbara Kruger, il limite sa gamme au noir, au blanc et au rouge.
L’exposition montre une sélection de photomontages de la série «Pas de nouvelles. Bonnes nouvelles» (1986-1987). L’artiste juxtapose deux ou trois images de presse noir et blanc, fortement grossies et contrastées, et reliées par des traits rouges et par une brève formule. Mémoire Kurt rapproche Kurt Waldheim en officiel nazi et une exécution sommaire. Chacun de ces photomontages est un arrêt sur image que la télévision ne rend plus possible. Pour Roman Cieslewicz, ils fondent une nouvelle «hygiène de la vision».