L’exposition de Jeremy Blake se compose d’une photographie numérique, No Mirrors, et d’une vidéo, Mod Lang. Cette vidéo projetée sur le mur est une animation numérique, un film abstrait dont la bande son est constituée de bruitages, et dont les images semblent surgir du haut de l’écran pour continuer leur course vers le bas, au-delà du cadre. Des aplats de couleurs linéaires et verticaux répètent la direction du mouvement.
Le format panoramique (encore légèrement modifié lors de la projection) englobe le spectateur tandis que les déplacements des images forcent l’œil à les suivre. Cela peut produire un phénomène optique, une perte de repères, et déstabiliser. On éprouve en effet devant la projection de Blake une sorte de vertige, comme dans un ascenseur.
La photographie numérique No Mirrors représente un espace intérieur à la fois en perspective et sans profondeur, il s’agit d’une  » esquisses  » destinée à être animée. Le réel n’est pas le seul matériau des tirages et des animations numériques de Jeremy Blake. Il crée des formes colorées à l’aide de la souris de l’ordinateur. Bien qu’il utilise le numérique, Jeremy Blake veut agir comme un peintre. Selon lui, l’ordinateur est proche de la peinture traditionnelle en ce qu’il permet d’accumuler des couches de couleurs.
Aux antipodes des animations commerciales en trois dimensions et en temps réel, Blake emploie des logiciels simples. Son travail n’est pas orienté vers une recherche technologique, mais vers une recherche picturale. C’est de la peinture numérique.
L’image déroulante fait moins penser à un film avec récit qu’à un tableau monumental, ou plutôt à une fresque d’ascenseur (puisque l’on ne peut pas voir l’ensemble de l’œuvre). Sauf que, l’œuvre étant en boucle, on est plus exactement devant une fenêtre fixe ouverte sur un ruban peint en rouleau qui tourne en 16 minutes.
Dans Mod Lang les aplats de couleurs sont rythmés par des coupures. Chacune d’elles s’accompagne d’un arrêt du déroulement provoqué par la fermeture de l’image par une sorte de double porte, et rythmé par un accompagnement sonore. L’une des coupures correspond à la fin et au début de la boucle.
L’animation est un art du temps que Jeremy Blake rend ici infini. Le récit est fini, entre un début, une fin, et un déroulement non aléatoire. Ici au contraire, la fin et le début coïncident, la boucle rend l’œuvre infinie. Mod Lang impose une lecture temporaire, un tempo et une temporalité.
Jeremy Blake
— No Mirrors, 2001. Impression numérique. 104 x 262 cm.
— Mod Lang, 2001. Animation numérique sonore sur DVD. 16 mn en boucle.