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Phosphènes

09 Jan - 27 Jan 2007

La Galerie Defrost présente la dernière série de toiles réalisées par Sophie Pigeron. Généralement de grand format, on y voit évoluer de larges taches fluorescentes, floues, en suspens, dans lesquelles le regard vient s’immerger.

Communiqué de presse
Sophie Pigeron

Phosphènes

On aimerait souffler sur les toiles de Sophie Pigeron comme sur un voile de vapeur ou sur des bulles de savon. C’est une peinture toute en douceur, en évanescence, en moelleux. Matisse voulait une peinture qui fasse éprouver une sensation comparable à celle que procure un bon fauteuil. Enveloppante, la peinture de Sophie Pigeron relève de l’art thaumaturge : on en ressent les effets euphorisants ou apaisants, selon les cas.

Sophie Pigeron se situe ainsi dans la lignée de la peinture incarnée, celle d’un Monet dont la touche vibrante piège la lumière, puis celle de l’action painting où la chair picturale retient les pulsions du corps. Elle-même commence toujours son travail en jetant ici et là des masses colorées et en les brossant au spalter, se laissant guider par son propre mouvement et par les incitations de la couleur.

Pourtant, le résultat final de sa dernière série, celle des Phosphènes, laisse quasiment indiscernables les traces de la brosse. La peinture n’est pas, ici, l’incarnation visible du corps de l’artiste dans son œuvre, mais elle est elle-même chair, surface lisse aux couleurs sensuelles, liquide organique, milieu biologique dont on voudrait définir la nature.

Sur la surface de ces toiles généralement de grand format, on voit évoluer de larges taches fluorescentes. Un peu floues et comme vaporisées (bien qu’elles ne le soient pas d’un point de vue technique), elles paraissent couler sous une légère membrane translucide. Tantôt elles restent en suspension, tantôt elles se déposent sur le rebord inférieur, comme sur un fond sous-marin. On ne peut s’empêcher de songer à ces objets hypnotiques issus du design des années 1970, dans lesquels d’épaisses bulles colorées montent et descendent.

La différence, ici, c’est que les toiles de Sophie Pigeron sollicitent plus activement le regard et l’imagination. Elles obligent à un effort de mise au point que l’œil, certes, ne parvient pas à réaliser, mais c’est justement grâce à cet effort que la peinture prend soudain son ampleur. Des masses se dégagent, des courants s’ouvrent, des intensités lumineuses variées se précisent. Parfois on croit voir un paysage noyé, parfois on est emporté dans des nuages roses.

Cet univers est celui du regard intérieur, quand on vient juste de fermer les yeux. Si l’on se concentre sur l’espace infini qui se déploie sous les paupières, habité de lumières mobiles, on peut être pris de vertige tant il semble que toutes sortes d’apparitions soient susceptibles de se produire.
Il en va de même dans la peinture de Sophie Pigeron. Partant de quelques masses de couleur, l’artiste voyage à travers les possibles de la création, tantôt faisant monter la matière, tantôt effaçant de la couleur, jusqu’à ce qu’un équilibre et une fluidité se mettent en place.
Au fond, comme le cosmos sous les paupières, c’est cet univers des possibles que nous présente sa peinture, celui des potentialités en attente, bercées dans un liquide amniotique rose ou bleu. Il se tient à portée de notre main.
Anne Malherbe

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