Déployé dans les salles élégantes du château de Chamarande, les œuvres précises, concises et lumineuses d’intelligence de Philippe Ramette semblent avoir trouvé là un décor idéal.
A l’extérieur, une œuvre monumentale, Echelle 1 (2007), a été conçue spécialement pour le lieu. Faisant le lien entre les douves et le toit du château, la sculpture résume assez bien les tenants et aboutissants du travail de l’artiste : l’exploration des pièges du langage, notamment par le jeu sur les mots, ou sur les sens propre et figuré ; les illusions optiques dues aux changements d’échelle, ici le château paraissant démesurément petit ; la minutie obsessionnelle de l’exécution ; l’absurdité d’une mise en scène destinée, finalement, à remettre en cause la validité des images.
Chacun de ces éléments évoquant immanquablement le surréalisme à la belge d’un René Magritte, où les apparences comme les mots peuvent tromper.
Sculptures, installations, photographies et dessins forment un ensemble significatif du travail de Philippe Ramette, pour lequel cette exposition a été «l’occasion de lancer des pistes» et qui affirme chercher dans ses œuvres à «rationaliser l’irrationnel».
L’une des pistes majeures, suivie tout au long du parcours, est celle du thème du miroir. Le titre de la sculpture Cerveau réfléchissant (2002), en bronze chromé miroitant, joue lui aussi sur les sens figuré et propre: « Mon désir d’utiliser le miroir est ancien, déclare l’artiste, et né de l’idée de jouer avec le double sens du mot, entre la réflexion visuelle et le processus mental. Le langage est souvent pour moi le point de départ d’un travail, à travers un jeu de mots ou une expression, comme tirer sur la corde, le fil du rasoir, etc.».
Ce travail de sculptures et d’installations vient compléter celui, peut-être plus subtil, de photographies et dessins. Dans des images aujourd’hui bien connues, comme Socles à réflexion (1989-2002), ou la série des Exploration rationnelle des fonds sous-marins (2006), dont on retrouve des équivalents dessinés poétiques, Philippe Ramette défie les lois de la pesanteur comme celles de la rationalité.
Certaines œuvres, produites spécifiquement pour le Domaine départemental de Chamarande, constituent pour Philippe Ramette des projets en devenir. Ainsi, il analyse L’Ombre (de moi-même) (2007) en «référence au théâtre : un projecteur, un faisceau lumineux, une ombre au sol et un costume vide, comme la mise en scène d’une personne dématérialisée, ce costume qui est devenu un élément récurrent de [ses] photographies».
De nombreuses œuvres ont en effet pour point focal un personnage omniprésent, et pourtant invisible car n’étant pas le sujet véritable : l’artiste lui-même, dont Philippe Ramette affirme la position dans le dessin A contre-courant (Hommage à Buster Keaton) (2006), «en déséquilibre et en état de résistance», termes qui peuvent également définir le statut revendiqué des images.
Philippe Ramette
Sculptures et installations :
— Cerveau réfléchissant, 2002
— Espace meeting, 2007
— Fauteuil Seatcom, 2007
— La Traversée du miroir (image arrêtée), 2007
— Le Miroir qu’on casse, 2000
— Miroir à ciel, 1989-1990
— Miroir déformé, 2002
— Miroir rationnel, 2001
— Objet à voir le chemin parcouru, 1991
— Objet à se voir regarder, 1990
— Vitrine, 2001 (et Dessin préparatoire, 2001, dessin)
— Sans titre, 2007, installation
— L’Ombre (de moi-même), 2007, installation
— Echelle 1, 2007, sculpture
Photographies :
— Boîte à isolement (utilisation), 1989-2004
— Exploration rationnelle des fonds sous-marins : inversion, 2006
— Exploration rationnelle des fonds sous-marins : la carte, 2006
— Inversion de pesanteur, 2003
— Objet à voir le monde en détail, (utilisation), 1990-2004
— Promenade irrationnelle, 2003
— Socles à réflexion (utilisation), 1989-2002
Dessins :
— A contre-courant (hommage à Buster Keaton), 2006
— Corps mort disproportionné, 2001
— Corps mort (expérimentation métaphysique), 2002
— Espace pour le futur (prototype de mobilier urbain), 1998
— Lévitation de chaise (Projet Pommery), 2005
— Projet pour le Grimaldi Forum, 2003
— Rupture de pesanteur, 2002
— Sans titre, 1998
— Socle rationnel (« hommage à lamafia »), 2002