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Philippe Poupet

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

De grands miroirs jaillissent des formes blanches et granuleuses, situées entre le reflet, le toucher, le regard et l’empreinte (le souvenir matérialisé de l’instant du moulage). Un appel à regarder autrement le banal, le lisse et le rugueux, le vide, le plein.

D’emblée, on découvre dans l’espace clair de la galerie un ensemble de pièces qui se répondent, de mur à mur (à la hauteur de l’œil, plus haut, plus bas, frontalement), sans oublier la valeur de l’angle, du coin. Peu nombreuses mais suffisamment grandes pour s’imposer, à la fois comme singularités et comme constellations d’un tout, elles affirment à la fois la présence et l’absence du corps, l’importance du fragment, dans la découpe variée d’un cadre géométrique réfléchissant.

En effet, du miroir jaillissent ces formes blanches, granuleuses, situées précisément au point de rencontre entre le reflet, le toucher, le regard et le souvenir matérialisé de l’instant du moulage, de l’empreinte. L’espace est tendu entre ce qui surgit et ce qui est posé avec une délicate ironie. Car l’expérience de l’artiste sur le visible (mis en scène par le moulage) indique les liaisons possibles entre des lieux différents (profondeur du miroir et volumes des formes de plâtre, verticalité et horizontalité dans toutes les œuvres, à l’intérieur du cadre créé par le miroir ou à l’extérieur de celui-ci).
La déclinaison de gestes (jusqu’à l’obscène) met en exergue le langage muet des signes qui s’adressent au regardeur; et il s’agit toujours de sculpture, de très haut-relief : face à un tableau fixe et mouvant — le miroir —, les figures collées (appliquées à lui), que dessinent les bras de plâtre — devenus parfois des sortes de coraux — révèlent la dureté de sa surface si plane.

La qualité du blanc, l’espace du blanc et de ce que le miroir capte du mouvement — et fragmente également — évoquent à la fois : cette très ancienne histoire de Narcisse, les vestiges de Pompéi peut-être, la lutte entre l’informe et la forme, la densité étreignant celui qui expérimente des espaces minimaux et enfin, la réalité du désir de traverser des lieux toujours autres (dans l’inquiétante étrangeté du quotidien) autant que leurs seuils.
L’image est ici dite dans ses rapports avec le vivant (les visiteurs qui passent et regardent), avec la prothèse, avec les entre-deux et les perspectives d’objets mis en abyme par leur réflexion même; ces chemins profonds et inaccessibles sont à chaque fois rompus, interrompus par le surgissement de l’objet. Et par l’aléatoire des circulations contenues cependant dans l’espace de la galerie. Le visiteur reste ainsi mystérieusement capté, appelé aussi à regarder autrement le banal, le lisse et le rugueux, le vide, le plein.

Philippe Poupet a interrogé toutes sortes de déplacements : ainsi l’évolution de la sculpture Oui, d’accord, OK, depuis 1996; la série des « Strato-têtes », à partir de 1997; les « Blistouilles », qui en 1997 aussi, travaillent encastrement et excroissance d’objets trouvés, avec le mur pour témoin, support. La série des « Colons » (encres, 2000) manifeste également la force du projet de Poupet, dans sa manière de créer des métaphores où le corps et l’esprit questionnent notre inscription difficile dans ce monde.

Philippe Poupet
— Appliqués sur miroir, 2002. Plâtre et miroir. 90 x 94 x 94 cm.
— Appliqués sur miroir II, 2002. Plâtre et miroir. Ø 101 x 44 cm.
— L’Objet invisible, 2002. Plâtre et miroir. 146 x 103 x 43 cm.
— Appliqués sur miroir IV, 2002. Plâtre et miroir. 143 x 101 x 27 cm.
— Appliqués sur miroir III, 2002. Plâtre et miroir. 3 x 204 x 93 x 43 cm.
— On, 2003. Cire, argile et polystyrène. 44 x 65 x 20 cm.
— Appliqués sur miroir II, 2003. Plâtre et miroir. Ø 101 x 42 cm.

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